Benham-Ankersen, le duo gagnant du FC Midtjylland | OneFootball

« Le foot ce n’est pas des maths » énonçait Luis Fernandez à la télévision française il y a quelques années. Pourtant, Matthew Benham, ambitieux parieur sportif parvient à prouver le contraire en 2014. Grâce à sa méthode novatrice, basée sur l’utilisation des données numériques, en l’espace d’un an, le businessman anglais permet au Football Club Midtjylland de décrocher son premier titre national. Retour sur le succès de Matthew Benham et de l’équipe danoise.

Matthew Benham grandit dans une famille aimante. Bercé par les matchs de cricket à la télévision, c’est pourtant deux autres passions que développe le jeune garçon, celles du football et des mathématiques.

Doué à l’école, le jeune homme intègre l’Université d’Oxford. Il y obtient son diplôme de physique en 1989. Pourtant, encore attiré par les chiffres, c’est finalement dans le monde de la finance que Matthew se lance. Il trouve rapidement un premier poste de trader au sein de la City de Londres.

Ambitieux, Matthew Benham tape dans l’œil de ses superviseurs. L’Anglais grimpe rapidement les échelons. Quelques années seulement après ses débuts, il devient vice-président de la banque d’Amérique.

Matthew Benham, pari gagnant

Désormais reconnu dans son domaine, Matthew Benham devient très sollicité. Mais l’homme ne semble donner que très peu d’importance aux offres qui lui sont faites. Un jour, il reçoit tout de même une proposition qui l’interpelle. C’est celle de Tony Bloom, futur propriétaire du Brighton & Hove Albion FC, qui lui propose d’intégrer Premier Bet, un site de paris sportifs. Le natif d’Eton est hésitant mais accepte finalement la proposition, lui qui a toujours voulu travailler dans le secteur du sport.

Tony Bloom, l’élément déclencheur de la carrière de Matthew Benham

Matthew Benham intègre donc Premier Bet en 2001. Il y découvre des logiciels permettant de prédire le résultat des rencontres sportives, ce qui le fascine totalement. A partir de là, l’Anglais développe une obsession totale pour ces outils, qui lui permettent notamment de remporter d’énormes gains en paris sportifs.

Les résultats de Matthew Benham sont très bons, à tel point que le parieur commence à prendre une place trop importante au sein de l’entreprise. Cela ne plait pas à tout le monde et notamment à Tony Bloom. Les deux hommes se fâchent et Matthew Benham décide de quitter Premier Bet seulement trois ans après son arrivé.

Matthew Benham, d

Toujours obsédé par les chiffres et les logiciels de prédictions, le parieur fait le choix de continuer dans cette voie. Il créé alors Smartodds, une entreprise de conseil qui aide les sportifs professionnels à améliorer leurs performances grâce aux données numériques.

Le boss ne s’arrête pas là. Il met également au point un nouveau logiciel permettant de prédire les résultats des matchs de football en s’appuyant sur de multiples variables telles que les performances passées des équipes, les conditions météorologiques, les blessures et les suspensions.

Matthew Benham à Brentford, la seconde révolution Anglaise

Désormais millionnaire grâce à son entreprise et ses paris placés, Matthew Benham désire continuer son expansion. En 2012, il réalise son plus grand pari, celui d’acheter un club de football professionnel. Il acquiert son club de cœur, le Brentford Football Club, qui évolue alors en troisième division anglaise. Et pour le diriger, l’Anglais a une idée en tête : s’appuyer essentiellement sur la data.

Dès son arrivée, il désire transformer complètement le fonctionnement du club. Cependant, il n’est pas pris au sérieux, son passé de parieur jouant contre lui. De plus, les Anglais connus pour leur conservatisme ne semblent pas encore prêts pour cette nouvelle méthode de travail.

Ainsi, l’Anglais se met à la recherche d’une personne qui pourrait l’épauler dans sa mission. C’est à ce moment qu’il tombe sur “The Gold Mine Effect”, un livre écrit par Rasmus Ankersen, un ancien footballeur professionnel danois qui a dû mettre un terme à sa carrière prématurément suite à une blessure. Devenu expert en développement personnel, le Danois attire l’œil du propriétaire du Brentford Football Club. Et pour cause, dans son livre, l’ancien footballeur met en avant une méthode de développement personnel optimisée sur des objectifs quantifiables, ce qui interpelle Matthew Benham.

L’Anglais voit alors en Ankersen, l’Homme qui lui manque pour développer sa stratégie. Il décide de le contacter. Et quelques mois plus tard, les deux hommes se rencontrent.

Benham-Ankersen, une première rencontre surprenante

Le premier contact entre Benham et Ankersen se déroule bien. Chacun à leur tour, les deux hommes exposent leur vision du football et l’importance des statistiques dans ce sport. Intrigué, le Danois demande alors à l’Anglais : “Quelles sont les chances que votre club (Brentford) se maintienne ?”, Immédiatement, le parieur millionnaire lui répond : “Il y a 42,3 % de chances que nous montions”.

La réponse laisse sans voix l’ancien joueur professionnel qui prend aussitôt conscience de l’importance du projet de Matthew Benham. Ne désirant pas passer à côté d’une opportunité, il décide d’accepter de relever le défi.

Midtjylland, le nouveau pari de Matthew Benham

Malgré l’arrivé de Rasmus Ankersen auprès de lui, Matthew Breham peine toujours à imposer son nouveau mode de fonctionnement en Angleterre. Il décide donc de chercher un nouveau club à acheter pour parfaire sa stratégie. Il se tourne alors vers l’étranger, et plus précisément vers le Danemark, le pays de Rasmus Ankersen.

L’ancien joueur professionnel lui conseille d’acquérir le FC Midtjylland, un club de première division qu’il connaît bien, puisqu’il y a joué étant plus jeune. Matthew Benham décide de faire confiance à son acolyte et en 2014 il devient actionnaire majoritaire du FC Midtjylland. Dans la foulée, il nomme Rasmus Ankersen à la tête du club. L’aventure est lancée.

LIRE AUSSI – “1992 : la folle épopée européenne du Danemark”

Ramsus Ankersen, nouvelle philosophie

Dès sa prise de fonction, l’objectif de Rasmus Ankersen est clair. Il souhaite que toutes les personnes, joueurs comme membres du staff soient convaincus par le projet. Pour cela, l’ancien joueur met en place des cours de développement personnel au sein du club. Véritable gourou, il n’hésite pas non plus à multiplier les réunions dans lesquelles il martèle que le seul moyen de faire face à la concurrence est de “faire confiance au modèle”.

Pour suivre les évolutions de sa méthode, le Danois met en place divers indicateurs de performances qui favorisent le suivi des joueurs. Cela permet ainsi de quantifier et de donner des explications aux éventuels problèmes rencontrés par le club.

Mais l’utilisation d’indicateurs de performance n’est pas naturel dans un club de football à cette époque. Ankersen convie donc des experts dans le domaine pour qu’ils s’entretiennent avec l’ensemble du staff lors de la préparation estivale.

Ainsi, dès les premiers matchs de la saison, le coach du FC Midtjylland se sert de ces indicateurs de performance pour parler à ses joueurs. Des SMS lui sont même envoyés à la mi-temps pour qu’il puisse adapter sa stratégie en conséquence.

Un recrutement astucieux

Le virage entamé par le FC Midtjylland passe par un changement d’esprit, mais aussi d’Hommes. En effet, Ankersen ne souhaite garder seulement les joueurs totalement convaincus par le projet. Dès son arrivée, le renouvellement de l’effectif est entamé. Et pour cela, encore une fois, le club danois utilise les données numériques.

Bien que les méthodes traditionnelles de recrutement ne soient pas totalement écartés, Rasmus Ankersen estime qu’un grand nombre de recruteurs se fient à leur instinct et à leur intuition, au lieu d’utiliser des données objectives. Et c’est en cela que selon lui, la data est un excellent moyen de contrôler les performances d’un joueur. Grâce aux données numériques, le FC Midtjylland peut ainsi dénicher de bons joueurs à moindre coûts, qui sont en fait sous-évalués.

C’est ainsi de cette manière que le club danois recrute Tim Sparv à Greuther Fürth pour un très faible montant, qui deviendra par la suite un joueur clé de l’équipe.

Tim Sparv, la bonne affaire du FC Midtjylland

Plus fou encore, le FC Midtjylland va même jusqu’à parcourir les forums de supporters des équipes des joueurs qu’ils envisagent de recruter, afin d’obtenir une image plus complète de leurs performances. Ankersen explique que si mille fans ont tous vu jouer cinquante fois un joueur et qu’ils sont tous d’accord sur une constante, cela signifie probablement que celle-ci est juste.

Coup de pied arrêté, la nouvelle spécialité du FC Midtjylland

Ankersen accorde une grande importance aux coups de pied arrêtés. C’est selon lui un moyen efficace de marquer plus facilement un but. C’est ainsi qu’il décide de mettre en place des entraînements personnalisés, avec l’aide d’un entraîneur de coup de pied arrêté. Selon lui, les gestes doivent être répétés à la manière d’un golfeur qui aurait besoin de travailler son swing.

Et ce type d’entraînement paiera ses fruits puisqu’à la fin de la saison 2014/2015, le FC Midtjylland sera l’équipe européenne ayant inscrit le plus de but sur phase arrêté, avec un total de vingt-quatre buts. Et cela en ne marquant que seulement trois pénaltys …

Midtjylland, l’efficacité du champion

Lors de la saison 2014/2015, Midtjylland n’affiche pas un niveau phénoménal. Elle n’est d’ailleurs pas l’équipe la plus impressionnante offensivement. En revanche, les joueurs de l’équipe danoise sont sans pitié lors de cette saison, en témoigne le nombre de buts marqués sur coups de pieds arrêtés. Avec en moyenne 6,7 tirs par match, et 80 % d’entre eux trouvant la cible, le FC Midtjylland est sans conteste l’équipe la plus efficace du championnat.

Durant la saison, seulement quatorze membres de l’équipe font plus de vingt apparitions en Superligaen. Une chose assez rare pour être signalée, rendue possible grâce à une surveillance attentive de la condition physique des joueurs grâce aux indicateurs de performances.

Ainsi, tous ces aspects rendus possible grâce à l’utilisation des données numériques permettent au FC Midtjylland de remporter son premier titre de champion national, avec sept points d’avance sur le FC Copenhague et seize sur Brøndby IF, des clubs ayant le double de son budget.

Depuis son titre obtenu en 2015, le FC Midtjylland est un concurrent de premier plan dans le football danois. Matthew Benham et Rasmus Ankersen sont parvenus à démontrer qu’une stratégie intelligente et un travail acharné peuvent mener à un succès remarquable. A tel point que désormais, le club danois est devenu un exemple de réussite pour les équipes plus modestes dans le monde entier. Un succès qui a notamment inspiré, Brentford, l’autre club de Benham, qui évolue maintenant en Premier League.

Sources :

Kristen Collie, “Enquête : L’ascension révolutionnaire du FC Midtjylland grâce à la Data”, 90 min, 09 décembre 2020

Lionel Pittet, “Young Boys dans le labo du FC Midtjylland, le club qui mise gros sur les statistiques”, Le Temps, 16 septembre 2020

BreakingTheLines, “Comment l’analyse des données a valu au FC Midtjylland un titre (et plus)”, 25 avril 2020

Nicolas, “FC Midtjylland : le pari de la science dans le football avec le MoneyBall system”, Nordisk Football, 3 août 2017

Usbeketrica, “Big Data Football Club”, 10 août 2016