Peuple-Vert.fr
·27 août 2025
ASSE : La Légende de Jean Snella !

In partnership with
Yahoo sportsPeuple-Vert.fr
·27 août 2025
Comme chaque semaine, nous mettons en avant une Légende de l'ASSE. En particulier, les entraîneurs qui ont marqué l’AS Saint-Etienne. Depuis sa création en 1933, l’AS Saint-Etienne a connu 44 entraîneurs différents, mais certains ont laissé une empreinte plus déterminante que d’autres. Voici le portrait des 15 entraîneurs qui ont le plus marqué l’histoire du club. Par souci d’équité, ils sont présentés par ordre alphabétique. Treizième épisode, Jean Snella (516 matches de 1950 à 1959 et 1963 à 1967).
Jean Snella a porté le maillot de l’AS Saint-Étienne dès 1938. Recruté en provenance de l’Olympique lillois, ce milieu de terrain sobre et intelligent s’impose comme un cadre de l’entre-jeu jusqu’en 1946, malgré l’interruption des compétitions due à la guerre. Au lendemain du conflit, il participe au remarquable exercice 1945-1946, qui voit l’ASSE terminer vice-championne de Division 1, première grande performance du club à ce niveau. Pressenti pour une sélection en équipe de France en 1938, qu’il décline, Snella affiche déjà sens du jeu et de l’organisation, préfigurant le pédagogue qu’il deviendra sur le banc stéphanois.
À la fin de sa carrière de joueur, Jean Snella choisit de devenir entraîneur. Son ami Antoine Cuissard, ancien coéquipier à Saint-Étienne, l’associe à un projet sentimental : sauver le FC Lorient, club fondé par ses grands-parents. Dès son premier poste, le duo réussit l’exploit de redresser l’équipe en une saison, en s’appuyant sur les qualités de Cuissard et sur les premières idées de Snella : un football basé sur le mouvement et l’offensive.
Séduit par son sérieux, Saint-Étienne lui propose de diriger son équipe de jeunes. La formation devient pour lui un véritable sacerdoce. En parallèle, il tient un bar à Saint-Étienne, mais c’est bien sûr les terrains qu’il s’épanouit.
En 1950, Pierre Guichard, revenu à la présidence de l’ASSE, souhaite remplacer l’entraîneur Ignace Tax. Snella, proche de ce dernier, hésite, mais finit par accepter grâce à la persuasion de Pierre Garonnaire. Il devient ainsi le septième entraîneur de l’histoire du club. Son premier match à la tête de l’ASSE est catastrophique. Le 27 août 1950, son équipe est désintégrée à Rennes (6-0). Heureusement, les dirigeants stéphanois ne se sont pas arrêtés à cette humiliation et ils l’ont laissé imprimé sa marque qu’il a installé dès sa prise de fonction.
Il conserve ainsi les meilleurs, intègre les jeunes prometteurs et complète l’effectif par des recrues ciblées. L’arrivée de Cornelis « Kees » Rijvers, technicien hollandais surnommé « trottinette », apporte la touche manquante. Les Verts atteignent la demi-finale de Coupe de France 1951. Malgré quelques erreurs de recrutement, Snella impose une philosophie et une discipline quasi paternelle : il graisse lui-même les ballons, fait enlever les herbes folles du terrain avant l’entraînement, exige rigueur et implication.
En 1954, un prodige fait son apparition : Rachid Mekloufi. Son talent offensif épouse parfaitement les idées du coach. Avec lui, l’ASSE décroche son premier trophée, la Coupe Drago 1955. Les bases d’une grande équipe sont posées.
En 1956, Snella tient sa promesse faite à ses jeunes champions amateurs : René Ferrier, Richard et Michel Tylinski, Georges Peyroche passent professionnels. Encadrés par Rijvers, Claude Abbes ou René Domingo, ils forment une génération brillante.
Le championnat 1956-57 marque l’explosion. Après un nul face au champion en titre Nice (2-2), les Verts écrasent Marseille 6-3, avec un triplé de Mekloufi. L’équipe enchaîne les démonstrations contre Lens, Nancy, Sedan ou Metz.
Le choc contre Reims, emmené par Just Fontaine et Albert Batteux, reste un sommet de l’histoire du championnat. Dans un match fou, Mekloufi offre la victoire 5-4 aux Verts dans les dernières secondes. Cet exploit lance définitivement Saint-Étienne vers son premier titre de champion de France, acquis avec 4 points d’avance sur Lens.
Snella devient une icône. L’année suivante, il découvre la Coupe d’Europe contre les Glasgow Rangers. Ses compétences sont reconnues au niveau national : Albert Batteux, sélectionneur, le choisit comme adjoint pour la Coupe du monde 1958. Grâce à sa préparation physique innovante, la France atteint une surprenante 3e place.
Mais avec l’ASSE, Snella peine à confirmer. Recrutement hasardeux, groupe émoussé, motivation en baisse : il quitte le club en 1959 pour rejoindre le Servette Genève.
En Suisse, Jean Snella démontre encore son savoir-faire : en quatre ans, il remporte deux championnats avec le Servette. Pendant ce temps, Saint-Étienne s’effondre et descend en D2 en 1962 malgré une Coupe de France remportée la même année. Le nouveau président, Roger Rocher, insiste pour faire revenir Snella. Celui-ci accepte à condition que le club retrouve l’élite immédiatement. Objectif atteint dès 1963, avec en prime le retour de Mekloufi.
Snella reprend sa mission avec la même exigence. Il impose son credo : donner vite le ballon, jouer simple, privilégier le jeu vers l’avant. Jamais de cris, jamais de menaces, mais une rigueur constante et une pédagogie de maître d’école. La saison 1963-64, censée être une simple transition, se transforme en triomphe : promu, l’ASSE décroche son deuxième championnat, exploit rarissime.
Visionnaire, Snella met en place une véritable « école » : musculation, diététique, récupération, discipline stricte jusque dans les vestiaires. Roger Rocher lui-même devait frapper avant d’entrer dans le vestiaire. Chaque joueur avait un casier inspecté régulièrement ; mal tenu, son contenu finissait à la poubelle. Pour Snella, respect du métier et rigueur de vie étaient indissociables du football.
Parallèlement, il co-dirige brièvement l’équipe de France avec José Arribas. Mais ses conceptions se heurtent à l’obsession athlétique d’une partie du staff fédéral : il quitte rapidement la sélection pour se consacrer totalement à l’ASSE.
Le travail paie : après le titre de 1964, les Verts conquièrent un troisième championnat en 1967. Snella laisse alors la main à Batteux, à qui il transmet une équipe structurée et une philosophie solide.
Après son second passage à Genève, Snella poursuit sa carrière, notamment à Nice, où il est sacré meilleur entraîneur de France en 1972. Mais sa légende est déjà scellée : il est celui qui a bâti les fondations du mythe stéphanois, donnant à l’ASSE ses premiers titres (deux coupes Drago 1955 et 1958 et trois championnats de France 1957, 1964 et 1967) et son style offensif reconnaissable.
Il s’éteint en 1979, à 65 ans, après une longue maladie. Mais son héritage demeure. Nombre de ses anciens joueurs se lancent à leur tour dans le métier d’entraîneur, avec à leur tête Aimé Jacquet. Ce dernier n’a jamais caché qu’il avait largement repris les principes de son maître pour guider la France à la victoire en Coupe du monde 1998.
Plus qu’un technicien, Snella a été un éducateur, un formateur et un bâtisseur. Le « Peuple vert » lui doit ses premières heures de gloire et ne l’oubliera jamais.