Derniers Défenseurs
·6 décembre 2021
Derniers Défenseurs
·6 décembre 2021
L’Ajax Amsterdam inspire de nombreuses choses à travers l’Europe. Un club formateur, un grand club d’antan, qui a produit de très grandes équipes et de grands joueurs à travers les époques. Cependant, malgré le statut légendaire du club, et sa reconnaissance continentale, notamment comme ancienne maison de Cruyff, le club est bien loin de gagner à nouveau une Ligue des Champions. Vainqueur pour la dernière fois en 1995, avec un jeune Patrick Kluivert buteur en finale, le club néerlandais ne s’est approché d’une finale de Ligue des Champions qu’une fois depuis, lors de cette fameuse saison 2018-2019, vaincu en demi-finale par Tottenham. Bien que Peter Bosz ait emmené cette équipe jusqu’en finale de Ligue Europa 2017, le club est bien loin des hauteurs continentales qu’il a pu atteindre fut un temps.
Cependant, en ce début de saison, l’Ajax semble écraser (presque) tout sur son passage. Large dominateur de son groupe en Ligue des Champions, avec 5 victoires en autant de matchs, et un Sébastien Haller 9 fois buteur depuis le début de la compétition, les Ajacides sont également bien installés en tête de leur championnat. Ils impressionnent tout le monde ; vainqueur notamment de leur dauphin du PSV 5-0 il y a quelques semaines, il semble difficile d’arrêter les hommes de Ten Hag. Il y a cependant encore des sceptiques, qui voient déjà quelques failles dans cette équipe, notamment quand il faut marquer contre des plus petites équipes. Regardons donc de plus près les forces et les faiblesses de cette équipe.
Erik Ten Hag développe une sacrée réputation en Europe en ce moment. Le Néerlandais, pressenti pour prendre le poste d’entraîneur de Manchester United pendant un temps, a su s’imposer partout où il est passé, malgré les critiques. Né proche de la frontière allemande, le tacticien a joué plus de 10 ans au haut niveau, surtout pour Twente, avec qui il gagne une coupe nationale en 2001. Il prend sa retraite un an plus tard, à l’âge de 32 ans.
ETH entre directement dans le monde du management, en reprenant les U17 puis le U19 de Twente entre 2002 et 2006. Pendant ce temps-là, il passe ses diplômes d’entraîneur, en espérant devenir manageur principal d’un club prochainement. Pour continuer son apprentissage, il prend deux postes d’assistant. D’abord pendant trois saisons, à nouveau à Twente, temps qu’il partage entre Steve McClaren, Ricardo Moniz et surtout Fred Rutten, qu’il suit ensuite au PSV Eindhoven. Là, il entraîne à nouveau 3 saisons, aux côtés de Rutten, avec qui il partage le banc pour 219 matchs entre les deux clubs d’Eredivisie. Marc Overmars – alors actionnaire de Go Ahead Eagles – lui offre son premier poste d’entraîneur principal en 2012 dans son club basé dans la ville de Denventer. Alors en deuxième division, le club lui permet d’engranger un peu d’expérience sans trop de pression. Cependant, le prochain poste est pour le moins intéressant, mais essentiel à son développement.
A la fin de sa seule saison à Denventer, il part en Allemagne, entraîner l’équipe réserve du Bayern Munich, aux côtés de Pep Guardiola, entraîneur de l’équipe première. Il passe énormément de temps avec le tacticien catalan, qui voulait de la continuité entre la réserve et son équipe. Lui apprenant ses principes de jeu, les demi-espaces et le pressing, Guardiola est le mentor du Néerlandais pendant deux saisons, l’aidant énormément à développer sa philosophie de jeu et ses principes tactiques et de management. Dur avec ses joueurs quand il faut, Guardiola sait également être très proche avec eux, comme un second père. Un style de management qu’essaye d’implémenter Ten Hag, malgré sa timidité et son côté généralement plutôt réservé. Après deux années d’apprentissage, ETH refait ses valises et revient au pays pour prendre les rênes du FC Utrecht, club où il avait évolué en tant que joueur pour une saison en 1995-96.
Prenant un poste d’entraîneur mais également un rôle de directeur sportif, il prend réellement les commandes du club. C’est là qu’il se révèle ; un club habituellement de milieu de tableau, qu’il emmène jusqu’à la 5ème place et une finale de coupe nationale, qu’il perd malheureusement. Il sera tout de même récompensé du prix Rinus Michels, qui célèbre le meilleur entraîneur de la saison aux Pays-Bas, une rareté pour un entraîneur pas champion et surtout n’entraînant pas l’un des grands clubs du pays. Une bonne première saison donc, sur laquelle il base sa deuxième saison, terminant la saison 2016-17 en 4ème position, avant de gagner les play-offs pour jouer les tours préliminaires pour la Coupe d’Europe la saison suivante. Malheureusement, nouvel échec dans sa quête à la qualification.
Erik Ten Hag, le tacticien en vogue cette saison
Son temps à Utrecht et au Bayern convainc l’Ajax de le recruter à l’intersaison hivernale de 2017-2018, une opportunité qu’il ne peut refuser, malgré son contrat à Utrecht. Après le départ de Bosz pour Dortmund à l’été 2017, le club s’était rabattu sur Marcel Keizer, qui fut un échec cuisant. Remplacé après Noël par Ten Hag, ce changement s’avère fructueux. Bien qu’il perde le titre de champion alors que le club était déjà loin du PSV à son arrivée, il installe progressivement son plan de jeu. Il récupére les bases établies par Peter Bosz, avec un haut niveau d’intensité et de contrôle du ballon, toujours en jouant vers l’avant.
C’est alors que démarre la saison maintenant devenue légendaire de 2018-19. Vainqueur du championnat et de la coupe nationale, c’est surtout la performance son équipe en Ligue des Champions qui marque les esprits. Vainqueur de la Juventus et du Real Madrid, avec notamment une performance historique de Dusan Tadic au Bernabeu, les joueurs de Ten Hag sont éliminés à quelques secondes d’une qualification pour la finale à Madrid. Le beau jeu, la jeunesse et le culot de cette équipe impressionnent le Vieux continent, qui s’arrachent ses joueurs l’été suivant (De Jong, De Ligt, Schöne…). La question se pose donc aujourd’hui sur les différences principales entre l’équipe actuelle et celle de 2019, que ce soit au niveau tactique, des joueurs et de la façon de jouer.
Evidemment, l’effectif a énormément changé. Frenkie de Jong, Matthias de Ligt, Kasper Dolberg, Daley Sinkgraven, Lasse Schöne, Ryan Babel… Voilà quelques uns des 18 départs de la saison 2019-2020, avant que Ziyech et Van de Beek ne partent la saison suivante. Il ne reste que Daley Blind, Tagliafico, Onana, Mazraoui, Tadic et Neres encore au club, parmi ceux qui ont joué au Bernabeu en mars 2019. Et ce en prenant en compte que Tagliafico et Neres sont quelque peu écarté de l’effectif cette saison et qu’Onana est suspendu depuis un an. De nouveaux jeunes et de nouvelles recrues issues du réseau très développé de scouting du club, permettent à l’Ajax d’être à nouveau l’un des grands clubs en Europe.
Toutes les lignes ont été passées en revue. Daley Blind a été décalé à gauche, laissant Lisandro Martinez, recruté d’Argentine en 2019, et Jurrien Timber, issu de l’académie du club, dans l’axe de la défense. Mazraoui a repris sa place à droite, après quelques mois loin du onze de départ pour cause de blessures. Au milieu, c’est à nouveau un milieu associant une recrue et un joueur de l’académie, avec Gravenberch et Edson Alvarez en double pivot. Devant, le titulaire au poste de 10 est le nouvel arrivant Steven Berghuis, recruté après un bel Euro avec les Pays-Bas, ce qui décale à gauche (et parfois à droite) Tadic. La révélation de la saison joue à droite, et se nomme Antony. Le Brésilien a réellement marqué les esprits en ce début de saison et continue sur sa lancée de la saison dernière. Enfin, devant, c’est le génial ivoirien, Sébastien Haller. La vraie faiblesse reste le gardien, où la suspension de Onana n’a pas réellement été comblée, avec une alternance entre Stekelenburg et Pasveer, âgés tous les deux de plus de 38 ans.
Sébastien Haller, l’autre Monsieur Ligue des Champions cette saison
Les changements de poste ont une raison. Certes, cela permet de mettre dans les meilleures dispositions les nouvelles recrues, mais il y a plus que cela. Les tactiques de Ten Hag ont changé. Contrairement à son ancien mentor Guardiola, le Néerlandais est moins dogmatique et fait preuve de flexibilité dans ses choix tactiques et sa façon de mettre en place son équipe. Certes, il suit les principes de Gegenpressing appliqué par tous les grands entraîneurs modernes, avec une récupération obligatoire en dessous de 6 secondes. Il est cependant capable de changer beaucoup de choses, d’un match à un autre, et surtout d’une saison à une autre. Dès son arrivée, il a changé le dispositif historique de l’Ajax, passant du 4-3-3 classique, à un 4-2-3-1 plus moderne et adaptable.
La version 2019 de l’Ajax passait régulièrement par l’axe, utilisant le milieu de terrain très technique avec De Jong et Van de Beek pour créer du jeu, en partant souvent de derrière. Aujourd’hui, ces tactiques ont bien changé. Le passage de Blind et Tadic sur des côtés permettent de mettre plus de joueurs techniques sur les flancs et donc de créer du jeu latéralement, utilisant toute la largeur du terrain pour étirer les blocs adverses. Ten Hag a donc associé Tadic avec Blind, et de l’autre côté Mazraoui avec Antony, deux duos clés qui finissent généralement par distiller d’excellents centres pour le géant Haller. Le redoublement de passes, les circuits de passes sur les côtés et les dédoublements des latéraux, voilà les secrets de cet Ajax. Les milieux de terrain, notamment Alvarez, servent surtout à la transition, faisant l’effet essuie-glace en renversant le jeu de l’autre côté. A noter que Gravenberch joue dans un rôle similaire que celui de Pogba en sélection ou à la Juventus, lorsqu’il s’excentre à gauche, alors que Berghuis permute avec Antony, qui aime repiquer dans l’axe tel Robben.
Une des grandes conclusions des analyses sur Ten Hag est qu’il s’adapte surtout aux joueurs avant tout, plutôt qu’imposer ses principes quel que soit son effectif. Son approche défensive est très italienne, très solide et agressive, mais surtout très bien organisée. Son équipe défend bien avant tout, ce qui tranche avec la mentalité plutôt offensive du club, et peut par moment créer des problèmes lorsque l’Ajax affronte des blocs bas, quand ils manquent de créativité et de plan B. Cela fait partie des critiques cristallisées autour de Ten Hag, avec nombreux détracteurs pensant qu’il se repose sur ses lauriers et qu’il dépend surtout de la qualité de son effectif, qui est bien évidement le meilleur aux Pays-Bas. La saison dernière, avec un effectif similaire, il avait fini 3ème de son groupe de Ligue des Champions, groupe pourtant accessible, avant d’être sortit par Getafe en Ligue Europa. Tout n’est donc pas parfait. Il le sait cependant, restant très critique des performances de son équipe, même après une victoire. « C’est un perfectionniste » remarque-t-on du côté du compte Twitter @AjaxEnFrance. On y ajoute que Ten Hag fait attention à tout son groupe, avec tous les joueurs concernés ; même ceux qui ne jouent pas lui font confiance.
Au-delà d’un très bon réseau de scouting, permettant de faire venir Alvarez, Martinez ou Antony, l’académie est encore au centre du projet de l’Ajax. Le PDG du club, Edwin van der Sar, a fait en sorte de continuellement remettre ceci en avant, qui non seulement permet au club d’être compétitif, mais également de faire de belles plus-values dans le marché des transferts plus tard. Avec Marc Overmars en directeur sportif, la bonne relation entre anciennes gloires du club permet à l’Ajax d’allier un beau projet avec les jeunes et un recrutement de complément à l’équipe première, sans compromettre l’éclosion du talent local.
L’avantage du nom de l’Ajax leur permet de chiper les meilleurs jeunes du pays. Ceci est notamment le cas du nouveau défenseur central titulaire, Jurrien Timber, arrivé des équipes de jeunes du Feyenoord en 2014, alors que Ryan Gravenberch est arrivé du plus petit club AVV Zeeburgia. En ajoutant Devyne Rensch, ce sont les trois principaux jeunes joueurs du club qui ont réellement un rôle au club cette saison. Les deux premiers ont progressivement gagné en temps de jeu, avec notamment Gravenberch qui a dû attendre quelques saisons pour avoir un vrai rôle. Il était déjà dans le groupe de 2019. Timber lui en revanche, découvre le très haut niveau cette saison. Contrairement à son frère Quinten, vendu de l’Ajax cet été à Utrecht, le club a cru en Jurrien et lui a rapidement donné les clés de la défense, aux côtés du talentueux Alvaro Martinez. Ces deux joueurs, et Rensch, sont la preuve que le club croit encore aux jeunes joueurs et continue de leur faire confiance dans les matchs clés. Alors que nombreux pensaient que les départs de De Jong et De Ligt seraient très difficiles à remplacer, la solution est venue de l’intérieur du club, comme souvent avec l’Ajax.
Ryan Gravenberch est enfin récompensé de sa patience, avec un rôle clé dans l’équipe cette saison
Alors oui, le début de saison de l’Ajax est monstrueux. Surtout en Coupe d’Europe. Cependant, la défaite contre Utrecht en octobre et les nuls contre Go Ahead Eagles, Heracles Almelo et Twente inquiètent, notamment les deux premiers, face à des adversaires bien plus faibles, contre qui l’Ajax a été incapable de marquer. Les blocs bas ne leur réussissent pas. La saison sera un marathon et les joueurs devront avoir l’énergie pour finir la saison. « Au niveau national, Feyenoord et PSV font jeu égal, le moindre faux pas coûte cher » souligne Navid, CM du compte spécialisé @Foot_NL. Il faudra certainement choisir entre l’Europe et le championnat à un moment, sachant que la C1 rapporte énormément d’argent au club et permet de continuer de se développer. C’est déjà plus de 70 millions d’euros récoltés après 5 matchs.
Que dire donc de cette saison ? Peuvent-ils aller aussi loin qu’en 2019 ? Il faut savoir qu’en 2019, le club allait moins bien à l’approche du match contre le Real Madrid, et que tout le monde s’attendait à une lourde défaite. Ils ont certes perdu le premier match à Amsterdam, mais le retour fut majestueux. L’expérience européenne et la classe du club a parlé ce soir là, sachant se dépasser quand il faut.
Et cette saison? Ils n’ont pas la profondeur d’effectif pour aller très loin en Europe et gagner le titre, sauf si le PSV va également loin en Europe. La Coupe d’Europe, c’est une question aussi de tirage au sort, donc il est difficile de prédire quoi que ce soit. Ils restent premiers de leur groupe et éviteront probablement les plus grosses équipes (autre que le PSG, déjà assuré d’être 2ème). Ils pourraient à nouveau croiser le chemin de la Juventus, qu’ils avaient battus sur le chemin de la demi-finale en 2019. Le marathon sera certainement long, mais la qualité de l’effectif est là et les Ajacides pourront accomplir de belles choses dans les mois qui viennent.
Les joueurs de l’Ajax qui célèbre une nouvelle victoire en Ligue des Champions, contre Dortmund
L’Ajax renait à nouveau après deux saisons compliquées. Ten Hag s’est renouvelé, l’effectif et les tactiques avec. Le club peut à nouveau viser les sommets en Europe, grâce notamment à ses individualités (Haller, Tadic, Antony…) et un collectif fort. Malheureusement, comme souvent avec les clubs évoluant dans des championnats moins puissants financièrement, nombre de joueurs devraient à nouveau partir cet été. La question est donc de savoir comment gérer ce perpétuel renouvellement, ces changements de cycle, ces multiples transferts chaque été et peut être même le départ de leur entraîneur, sûrement à la quête d’un plus gros projet ailleurs.
Bien qu’il soit pleinement soutenu par le club, ses joueurs, et maintenant les supporters et les médias, Ten Hag aura certainement à l’avenir la possibilité de rejoindre des clubs plus huppés tels que Manchester United ou City, disposant d’une bien plus grande puissance financière. Quoi qu’il en soit, l’Ajax est un grand club, capable de toujours se relever, avec un staff et une direction au club sains qui marchent dans la même direction. C’est certainement le club à suivre cette saison, avec un effectif talentueux et du beau jeu. Les aventures européennes pourraient notamment créer à nouveau de belles surprises.
Crédits photos : Getty Images