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·11 décembre 2019

À l’ombre des mastodontes, l’autre Madrid du football

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Pour les suiveurs de l’actualité footballistique, Madrid, c’est avant tout le Real et l’Atlético. Deux poids lourds du football espagnol et européen qui ne laissent que des miettes médiatiques aux petits clubs de la capitale espagnole. Entre engouements populaires variables, puissances financières limitées et résultats mitigés, focus sur des clubs qui tentent, tant bien que mal, d’obtenir une visibilité à l’ombre des mastodontes.

Cette saison, en plus du Real Madrid et de l’Atlético, on compte cinq autres clubs madrilènes professionnels. Getafe et Leganés en Liga, Alcorcón, le Rayo Vallecano et le FC Fuenlabrada en deuxième division, auxquels on peut ajouter deux autres clubs, actuellement en division trois, le CD Móstoles et le Rayo Majadahonda. Presque tous se situent dans la périphérie sud de Madrid, en plein essor depuis les années 1970. Nouveaux ou anciens, ces clubs sont l’expression même d’un autre football, beaucoup moins riche et victorieux mais souvent ancré socialement.


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Des moyens financiers incomparables

Lorsque l’on aborde l’autre Madrid du football, difficile d’occulter la différence de budget. On peut même parler de fracture financière, là où le budget du Real s’élève à sept cent cinquante millions, celui de Leganés est à cinquante millions quand celui de Getafe oscille entre cinquante-trois (la saison dernière) et cinquante-six. En seconde division, le budget du Rayo Vallecano est estimé à quarante-deux millions et celui de Alcorcón à sept millions. Clairement, les autres clubs de Madrid  survivent comme ils le peuvent et sont grandement dépendants des droits télévisuels. El País relatait récemment que 85% du budget de Alcorcón provient de ces droits.

C’est que derrière ces clubs, souvent habitués à jouer le maintien dans leurs divisions respectives, on ne trouve pas de gros capitaux. En 2011, Getafe s’est fait racheter pour quatre-vingt-dix millions d’euros par un consortium de Dubaï, le Royal Emirates Group, pourtant, depuis, les investissements sont limités.

Dans la même veine, Alcorcón, un temps propriété du magnat belge Roland Duchâtelet, qui a aussi possédé plusieurs clubs belges, à été revendu, en juin 2019, au groupe SL Navy, qui appartient à David Blitzer. Un rachat estimé à quatorze millions d’euros. Le groupe est également actionnaire majoritaire de Crystal Palace et de l’équipe de basket des Philadelphia 76ers, de quoi rendre rendre Alcorcón ambitieux même si pour le moment les investissements massifs se font attendre.

Le Rayo Vallecano, lui, est détenu par Martin Presa depuis 2011 mais il est régulièrement critiqué par les ultras pour son manque d’investissements. Des carences financières qui ne les empêchent pas d’avoir un public fidèle.

Un engouement populaire variable

Là où l’Atlético Madrid et surtout le Real voient bien souvent leurs publics être garnis de touristes asiatiques, les autres clubs de Madrid sont enracinés localement. Bien sûr Santiago Bernabéu et le Wanda Metropolitano siphonnent la majorité des fans de football. Avec, cette saison, soixante et un mille abonnés pour le Real et cinquante-sept mille huit cent treize pour l’Atlético, les deux clubs sont clairement dans une autre sphère.

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La saison dernière, en Liga, les trois autres clubs madrilènes (avec le Rayo Vallecano depuis descendu) se trouvaient en queue de classement des affluences moyennes. Getafe, club madrilène de seconde zone le plus en vue récemment, peine à remplir son stade, le Coliseum Alfonso Pérez qui peut contenir dix-sept mille trois cent quatre-vingt-treize personnes. Avec huit mille neuf cent soixante-quatorze supporteurs de moyenne, Getafe constituait, la saison dernière, la troisième plus faible affluence de Liga ! Des chiffres à nuancer avec les bons résultats de la saison dernière qui ont permis aux Azulones d’enregistrer leur record d’abonnements avec treize mille souscriptions !

Leganés, le quatrième transfuge madrilène de Liga cette saison, lui connaît un public moins versatile et plus fidèle. Son stade de Butarque et ses douze mille quatre cent cinquante places a été presque rempli à tous les matchs la saison dernière avec un taux de remplissage moyen de dix mille quatre cent cinquante sept supporteurs. Une fidélité qui fait écho à celle des supporteurs du Rayo Vallecano. La saison dernière son stade de Vallecas et ses quatorze mille cinq cent cinq places a accueilli en moyenne onze mille huit cent quatre-vingt-douze supporteurs.

En comparaison, à Alcorcón, les tribunes sont désertiques. Le Stade Santo Domingo et ses cinq mille cents places était l’avant-dernière affluence moyenne de seconde division (sur vingt-deux équipes !), avec deux mille neuf cent un supporteurs ! Dans la catégorie des soutiens confidentiels, le FC Fuenlabrada qui avec sa montée en division deux parvient à remplir son petit écrin, le stade Fernando Torres et ses trois mille trois cents sièges. Le Rayo Majadahonda (depuis descendu) également à cet échelon la saison dernière remplissait lui son stade mais l’engouement est, là aussi, limité.

Un enracinement local et une source de travail

Au-delà des jours de matchs, ces clubs dans l’ombre ont cette visée sociale et un enracinement dans la communauté, peut-être plus authentique que celui du Real. Un constat qui n’est pas forcément vrai pour Getafe où le président du club, Ángel Torres Sánchez, est officiellement un socio du Real Madrid.

« J’ai toujours Vallecas à la bouche, beaucoup de clubs envient la dimension sentimentale du Rayo Vallecano et ce que nous faisons malgré le manque d’argent. » Jesús Diego Cota, défenseur du club de 1985 à 2002 pour El País

Au Rayo Vallecano, la donne est tout autre: le football est une manière de revendiquer son engagement. Là où Getafe est souvent décrit comme un quartier peuplé d’entrepôts industriels, le Rayo représente le quartier Vallecas, cœur ouvrier de Madrid, traversé par diverses vagues d’immigration.

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Depuis sa création, en 1924, le club a toujours lutté pour la justice sociale. En 2014, il s’était mobilisé avec une quête pour éviter l’expulsion d’une vieille dame, elle-même socio du club ! Autre exemple, le poids considérable dans le club des ultras Bukaneros 92, groupe de supporteurs d’extrême gauche qui ont appelé à une opération tribune vide cette saison pour contester la hausse des abonnements. En 2014, ils avaient même monté une mobilisation contre la venue de l’attaquant ukrainien Roman Zozyula réputé proche de l’extrême droite.

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En parallèle de cet engagement sociétal et politique, le football, pour ces petits clubs est également créateur d’emploi dans une économie espagnole toujours plus précaire. À Leganés, le club a rapporté cent millions d’euros à la ville et même créé sept cents emplois ! Une réalité qui est également vraie pour le Rayo Vallecano. Selon une étude de PriceWaterHouseCooper, le club a rapporté au quartier quatre-vingt-onze millions d’euros et créé mille deux cent soixante-six emplois dans la région madrilène dont six cent huit emplois dans le seul quartier de Vallecas. Certains experts s’accordent déjà pour dire que le club fait figure de moteur économique pour le quartier.

« C’est plus le sentiment d’adhésion qui importe que l’argent que cela génère [… ] avant que tu voyageais et qu’on te demandait d’où tu venais, tu répondais toujours: d’une commune proche de Madrid. Maintenant, avec la montée en première division, les gens sont fiers de dire qu’ils viennent de Leganés. » Santiago Llorente, maire de Leganés pour El País

Getafe en modèle de réussite sportive

Sportivement c’est Getafe, cité dortoir située à treize kilomètres au sud de Madrid, qui a le plus de résultats récemment. Le club banlieusard a su s’inscrire dans la durée au plus haut niveau depuis sa création en 1983. Cette saison Getafe retrouve l’Europa League après y avoir participé en 2007/2008 (avec un quart de finale épique face au Bayern) et 2010/2011.

«  Ici, avant, tout le monde était d’abord pour le Real Madrid ou l’Atlético avant d’être pour Getafe. Maintenant ce n’est plus le cas. Depuis la première ascension l’engouement a augmenté. Il a même continué quand nous sommes redescendus. Aujourd’hui Getafe est devenu Le Geta. » José Antonio Carrascosa, président des peñas de Getafe, sur la nouvelle place prise par son club dans le cœur des Madrilènes, pour El País

Depuis sa remontée en 2017, le club qui a vu Ruben De La Red, Manu Del Moral ou encore Roberto Soldado passer dans ses rangs, vit une des périodes les plus glorieuses de son histoire. Huitième la première saison, cinquième la saison dernière, Getafe étonne pour un club habitué à jouer le maintien. Actuel cinquième de Liga et deuxième de son groupe en Europa League, le belle histoire se poursuit cette saison. Une réussite derrière laquelle se cache José Bordalas dont le football, direct et athlétique, basé sur le pressing, s’inspire de…  Diego Simeone!

En Liga cette année, le Club Deportivo Leganés fait office de petit nouveau à cet échelon. Créé en 1928, c’est historiquement un club de division deux et trois. En 2016, les Legionarios montent pour la première fois en Liga ! Depuis ? Trois maintiens durement acquis (deux fois dix-septième et une fois treizième) et surtout un fait d’armes : en janvier 2018, le club élimine le grand Real et se qualifie pour les demi-finales de Coupe d’Espagne pour la première fois de son histoire. Cette saison, avant-dernier de Liga avec neuf petits points, la survie de Leganés dans l’élite s’annonce d’ores et déjà compliquée.

Le Rayo Vallecano, est le plus ancien des clubs de Madrid hors institutions Atlético et Real. Créé en 1924, les Franjirrojos, ont connu diverses accessions et relégations entre divisions une et deux. Au cœur de leur histoire, un moment de gloire en 2000-2001 lorsqu’ils atteignent les quarts de finale de la Coupe UEFA. Sur les vingt dernières années, ils en ont passé seulement huit en première division. Descendu l’année dernière, actuellement treizième malgré le retour de Paco Jémez, le club ne semble pas en bonne voie pour remonter.

Fuenlabrada est, quant à lui, la nouvelle sensation du football madrilène. Terre de basket (avec une équipe en division une depuis 1996), avant d’être une terre de football, la commune du sud de Madrid commence à se faire un nom. Créé en 1975, champion de troisième division la saison dernière, le club vient d’accéder à la seconde division espagnole pour la première fois de son histoire. Six mille personnes ont assisté au match de la montée sur la place de la mairie, preuve que l’engouement est là pour cette montée historique. Pour l’instant, le début de saison est idyllique avec une quatrième place synonyme de potentiel barrage pour la montée en fin de saison.

Une réussite qui contraste avec celle de l’AD Alcorcón. Habitué de la seconde division, le club qui ne motive pas les foules, évolue également dans l’indifférence générale d’un point de vue sportif. Le seul fait d’armes du club est l’élimination du grand Real Madrid avec un cinglant quatre buts à zéro lors de la Coupe du Roi 2009, un événement passé à la postérité comme l’Alcorconazo: le coup d’Alcorcón. Longtemps en troisième division, présent au second échelon depuis 2010/2011, le club oscille sur les trois dernières saisons entre la dix-huitième et la quatorzième place. Cette saison à une anonyme onzième place, les Alfareros semblent promis à une nouvelle saison insipide.

Enfin, en troisième division, le club Deportivo Mostoles est à la huitième place dans sa poule. Un niveau loin de passionner les foules, à l’instar du CF Rayo Majadahonda, actuel quatrième de sa poule, mais qui a plus défrayé la chronique pour s’être fait prêter Enzo Zidane la saison dernière.

En définitive, l’autre Madrid du football demeure hors des radars du grand public car les résultats ne sont pas trop présents à l’exception de Getafe récemment. Les moyens financiers sont limités et l’engouement est à géométrie variable, là où Leganés et le Rayo Vallecano ont un public fidèle, Alcorcón peine à remplir son stade. Ancrés socialement et créateur d’emplois, ces clubs demeurent l’expression d’un autre football madrilène loin du strass de la Champions League mais qui a tendance à émerger.

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