Lucarne Opposée
·15 août 2022
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·15 août 2022
Le 19 décembre 1948, Independiente Santa Fe entre dans l’histoire du football colombien en décrochant le premier titre de l’ère professionnelle. Un titre qui marque l’aboutissement de plusieurs décennies d’installation du football chez les Cafeteros.
Comme chez ses voisins du continent, le football fait ses premiers pas en Colombie au début du XXe siècle. Si des traces écrites rapportent des parties de football au sein de l’école militaire de Bogotá dès 1892, comme dans bien des pays sud-américains, ce sont les Britanniques qui apportent véritablement le football.
Entre 1886 et 1922, le boom du café entraîne une série de changements qui modifient radicalement la Colombie. De l’essor de ses ports à la construction des routes et chemins de fer qui permettent de relier les villes côtières où transitent les transporteurs à l’intérieur du pays où se produit le café, le pays entame une longue mutation, le souvenir de la Guerre des Mille Jours, guerre civile à l’origine de l’indépendance de Panamá (qui était jusqu’alors un département de la Colombie) s’estompe. Les communications permettent la dissémination du football, marins et ouvriers des chemins de fer y contribuant grandement. Que ce soit à Barranquilla ou à Santa Marta, points de passages obligatoires pour l’exportation du café et des fruits, les premiers ballons commencent alors à rouler sur des terrains colombiens. Nous sommes alors en 1908, alors que la plupart des autres pays du continent disposent déjà de leurs premiers clubs de football voire même de leur championnat d’élite, le football nait véritablement en Colombie, ses premiers clubs, le Barranquilla FBC ou le Deportivo Santa Marta voient le jour. Se heurtant au découpage géographique du pays, il met du temps à se disséminer, restant longtemps confiné aux grandes zones reliées entre elles dans lesquelles les premiers clubs de quartier surgissent. D’abord une affaire d’élite, il gagne la classe bourgeoise avant de gagner la classe ouvrière en même temps que dans la culture populaire le sport commence à prendre la place des corridas, courses de chevaux et autres combats de coqs organisés dans les grandes villes.
Alors que la Copa América est déjà bien installée et oppose les autres pays du continent depuis plus de dix ans, la fédération colombienne voit le jour en 1924 du côté de Barranquilla et, par sa participation à l’organisation d’évènements sportifs comme les Juegos Nacionales de Cali ou de Barranquilla, prend enfin son nom définitif, est reconnue par le gouvernement avant d'être affiliée à la FIFA en 1936. L’année suivante, à l’occasion des quatre cents ans de la fondation de Cali, la première sélection nationale colombienne dispute ses premiers matchs lors d’un tournoi l’opposant à l’Argentine, Cuba, l’Équateur et le Mexique. C’est face à ce dernier qu’elle dispute son premier match officiel l’année suivante. Il faut attendre 1945 pour voir la sélection colombienne prendre part au Campeonato Sudamericano (son épopée est à lire dans cet article qui lui est consacré), le football commence alors à véritablement s’organiser.
Entre la reconnaissance par la FIFA et le début de son premier championnat pro, il faudra attendre une décennie pour que le football se professionnalise. À partir de 1938, la popularité du football ne cesse de croitre et les équipes des quartiers commencent à s’organiser. C’est alors l’époque de ce qu’on appelle le professionnalisme marron, celui qui voit les premiers salaires, pas tous bien légaux ou officiels, arriver, les équipes, qui pour certaines, jouaient uniquement pour le plaisir commencent à s’armer de joueurs payés pour l’occasion. Dans la foulée du Campeonato Sudamericano, l’arrivée de professionnalisme officiel ne tarde pas. En 1948, la División Mayor del Fútbol Colombiano (DIMAYOR) voit le jour, elle est en charge de l’organisation du premier championnat professionnel organisé la même année. Afin d’attirer les foules, les clubs font appels aux meilleurs étrangers en cassant parfois leur tirelire, les joueurs locaux ne sont alors pas véritablement mis en valeur (le salaire d’un joueur étranger oscille alors entre deux cents et mille pesos mensuels quand un Colombien touche entre soixante et quatre cent cinquante pesos par mois). La DIMAYOR impose alors à chaque équipe de payer mille pesos pour participer au tournoi, tous les matchs se déroulent le dimanche. Pour réduire les frais, la compagnie Aviancia propose aux clubs des billets à tarif réduit de 45% pour transporter les joueurs. Dix équipes sont inscrites à ce premier championnat : l’Atlético Municipal (futur Atlético Nacional), América, Junior, Deportes Caldas (futur Once Caldas), Deportivo Cali, Once Deportivo, Medellín, Millonarios, Santa Fe et Universidad (aujourd’hui disparu). Sept de ces équipes sont renforcées par des joueurs étrangers, Junior, Municipal et América.
Le 15 août 1948, le Club Atlético Municipal de Medellín affronte le Club Universidad Nacional de Colombia à l’Hipódromo de San Fernando de Itagüi. Si l’histoire ne retient probablement pas la victoire 2-0 de l’Atlético Municipal, l’anecdote amusante est que la rencontre est arbitrée par Elías Coll Tara, père de Marcos Coll qui, en 1962, entre dans l’histoire de la Coupe du Monde en inscrivant le premier corner direct à Lev Yashin lors d’un mémorable 4-4 arraché par la Colombie (une histoire à lire ici). Mais ce que l’histoire retient surtout, c’est que le premier championnat vient d’être officiellement lancé. Le 19 septembre, Santa Fe et Millonarios s’affrontent, le premier clásico bogotano en match officiel est disputé et remporté par Santa Fe (5-3), alors leader avec quatre victoires et un nul en cinq matchs. L’Expresso Rojo a vu le jour en 1941 et avait alors été un temps dirigé par Jack Greenwell, l’homme qui avait offert le premier titre de champion d’Amérique du Sud au Pérou quelques années plus tôt (lire 1939, la revanche du Pérou), avant de rapidement gravir les échelons locaux puis nationaux grâce notamment à des hommes comme l’Autrichien Carlos Frank, mécène de l’équipe. Meilleure attaque, meilleure défense, notamment grâce aux prouesses de son gardien Chonto Gaviria, Santa Fe ne sera jamais rejoint. Le 13 décembre, Santa Fe passe six buts à Independiente Medellín au Campín et, grâce à cette victoire, s’offre six points d’avance sur Junior. Le titre est alors assuré. Il est officiel le 19 décembre, Santa Fe étant couronné au terme d’un match dur que les Cardenales terminent à neuf et perdent 1-0 face au Deportivo Cali.
Le football professionnel vient de naître, il ne lui faut pas longtemps pour connaître sa première ère de gloire. L’année suivante, la DIMAYOR entre en conflit avec la fédération colombienne de football avec qui elle rompt les ponts. La FIFA décide alors de suspendre les clubs et la sélection de toute compétition internationale. Au même moment en Argentine, la fédération entre en conflit avec le Général Juan Domingo Perón et se met en grève. Exclus par la FIFA, la DIMAYOR et ses clubs, qui n’ont alors pas à payer le moindre transfert, en profitent. Les premières stars arrivent, l’époque nommée El Dorado commence.
Intiialement publié le 19/12/2017, dernière mise à jour le 15/08/22