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·25 de enero de 2023
Interview : Nicolas Taiana : « Lucien D’Onofrio fait la pluie et le beau temps au FC Metz »

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·25 de enero de 2023
Paru le 7 décembre 2022, Le Système D’Onofrio est toujours disponible chez son éditeur et à la vente. Retraçant la carrière de Lucien D’Onofrio, de ses années de footballeur professionnel à son empire dans le football liégeois, l’ouvrage dresse un portrait complet du personnage et de son parcours.
T.M. : Question introductive : Peux-tu présenter rapidement Lucien D’Onofrio et son rôle actuel au FC Metz ?
N.T. « Lucien D’Onofrio est un Italien de passeport et un Liégeois depuis son enfance. Il est né en Italie et a grandi à Liège. Par la suite, il est devenu un impresario, intermédiaire plutôt qu’agent, très influent dans le milieu du foot. Et pas seulement qu’en Belgique. Il a fait carrière d’abord au Portugal, où il travaillait au FC Porto dans les années 80 dans un rôle de manager/directeur sportif, même si le métier n’existait pas vraiment à l’époque. Il est ensuite devenu très influent auprès de grands joueurs de foot. Au sein de l’Equipe de France de 1998 par exemple, une bonne partie des joueurs ont bénéficié de ses services : Zinédine Zidane, Didier Deschamps, Thiery Henry, David Trézéguet, Fabien Barthez, Marcel Desailly, Laurent Blanc.
C’est un homme qui était souvent dans l’ombre mais qui a tiré beaucoup de ficelles. Ensuite, il a repris le Standard de Liège où il était d’abord dans un rôle officieux de patron. Il s’est résigné à sortir de l’ombre en devenant vice-président du club en 2004. Il a amené le Standard à deux titres de champion de Belgique en 2008 et 2009 Peu de temps après, il a été contraint de quitter son poste et est redevenu un intermédiaire de l’ombre. Puis plus tard il a repris le club de l’Antwerp, un club d’Anvers, jusqu’en 2021. »
T.M. On entend parler de lui dans un rôle officieux depuis cet été à Metz, pourtant on a l’impression que son influence remonte à plus longtemps. L’hiver dernier par exemple avec l’arrivée de Didier Lamkel Zé, ça semble être signé D’Onofrio. Cela fait longtemps qu’il entretient ce rôle auprès du président Serin ?
N.T. : « Je dirais depuis le moment où le FC Metz est devenu la maison mère du RFC Seraing, au printemps 2014. A partir de là, les relations et les connexions se sont accélérées. C’était surtout un moment où Lucien D’Onofrio cherchait à retrouver un club qu’il pouvait mettre sur le devant de la scène. En 2011, après avoir été évincé du Standard, il avait tenté diverses pistes. A partir du rachat, il y a des proches de Lucien D’Onofrio qui se sont retrouvés dans le conseil d’administration du RFC Seraing, où dans le club du FC Metz. On peut penser à son frère, il y a aussi Carlos Freitas, qui était devenu directeur sportif en 2015. Avant cela, il avait occupé le même poste au Sporting Portugal où Lucien D’Onofrio avait ses entrées et où il avait placé Franky Vercauteren en tant que coach quand Freitas était directeur sportif. Carlos Freitas est aussi un proche de Jorge Mendes que Lucien D’Onofrio a plus ou moins formé et avec qui il a eu des liens très étroits notamment sur le transfert d’Eliaquim Mangala.
Par rapport à Didier Lamkel Zé, je ne pense pas que ce soit lui qui ait directement fait le transfert mais c’est son réseau. Il a été protégé au possible par Bölöni et D’Onofrio à l’Antwerp parce que c’était l’un des paris de D’Onofrio et qu’il avait coûté un bon million. A l’Antwerp, Lucien D’Onofrio n’a jamais réussi à faire de grosses plus-values. Donc avec un joueur très talentueux, mais difficile à gérer comme Didier Lamkel Zé, plusieurs frasques ont été excusées. A l’Antwerp, il a eu des altercations avec ses coéquipiers, il y a eu 2 bagarres, et malgré cela il revenait toujours dans le groupe. C’était l’œuvre de Lucien D’Onofrio et de ses proches, dont Frédéric Leidgens, un autre de ses protégés, qui avait intégré le CA de Seraing et l’avait suivi à Anvers. Les supporters avaient même mis une banderole en tribune, en français, alors que c’est un club néerlandophone : « Direction, p*** de Lamkel Zé ». Donc Didier Lamkel Zé, c’est clair que c’est par le réseau de D’Onofrio qu’il est arrivé au FC Metz, mais il n’est pas son agent concrètement. »
Didier Lamkel Zé au moment de sa signature à Metz.
T.M. : Sur Carlos Freitas, l’un de ces premiers mouvements cet été, c’est de recruter Sergio Conçeicao, le fils de Sergio Conçeicao l’ancien joueur et entraîneur de D’Onofrio au Standard…
N.T. : « Oui, alors que Carlos Freitas avait rapidement déclaré dans la presse belge que ce n’était pas grâce à Lucien D’Onofrio qu’il était arrivé à Seraing. Personne n’a envie d’y croire. En Belgique, beaucoup de gens ne veulent pas être associé à Lucien D’Onofrio parce qu’il jouit d’une réputation très sulfureuse, alors ils se défendent toujours de faire des affaires avec lui alors que tout pourrait très bien être légal.
Aujourd’hui, si tu regardes le conseil d’administration, l’effectif, le staff, tu vois clairement que c’est son réseau. Ce qui est tout à fait légal, c’est juste du copinage. La question se pose surtout sur la compétence. Le neveu de Lucien D’Onofrio, Francesco D’Onofrio, était dans l’effectif depuis plusieurs saisons mais n’avait plus le niveau pour jouer en première division. Il a arrêté sa carrière en pleine saison et est devenu entraîneur adjoint. Par rapport à Sergio Conçeicao père, il a mis un coup de pression à José Jeunechamps (NDLR : coach de Seraing en début de saison) parce qu’il ne faisait pas assez jouer son fils à son goût. Et la première personne à qui il en a parlé, c’est Lucien D’Onofrio. Les affaires courantes du club sont gérées par son réseau. Le directeur général actuel, c’est Philippe Gilis qui est son comptable personnel et qui habite dans la rue où il a grandi. Les deux avaient même joué ensemble en troisième division dans les années 70. Seraing, c’est son club. Ce qui peut le déforcer, c’est que c’est un homme qui n’est plus tout jeune et que son réseau vieilli. Laszlo Bölöni, par exemple, a déjà 69 ans. »
T.M. : Au début de sa carrière, c’est notamment sa rencontre avec le « King » Henri Depireux qui lui a permis d’entrer dans le monde du foot. Plus tard, Henri Depireux sera entraîneur du FC Metz. Cela lui permet-il de créer ses premières entrées en Moselle ?
N.T. : « Je pense qu’on remonte trop loin là. En 1989, Lucien D’Onofrio a pu, peut-être, lui permettre d’aller au FC Metz. Son club précédent, c’est Bellinzona, dans le Tessin, la région italophone de la Suisse. Là, c’est D’Onofrio qui lui avait permis d’y signer. Ce n’est pas impossible qu’Henri Depireux lui ait demandé de lui trouver un club ensuite, et que Lucien D’Onofrio lui ait trouvé le FC Metz. Mais je ne pense pas que cela ait créé de lien particulier avec le FC Metz à l’époque. C’est intervenu plus tard. »
T.M. : Concrètement, à quel point son pouvoir est-il étendu dans les décisions du FC Metz ? Est-il une sorte de directeur sportif bis ? Plus que cela ?
N.T. : « Je trouvais que le terme de conseiller officieux lui allait bien. Quand on a besoin de trouver un certain profil, on appelle Lucien. On a parlé de lui au début de l’été pour un poste au FC Metz. Cela aurait pu se faire, mais je ne pense pas qu’il aurait eu envie d’aller en Ligue 2 en réalité. Il préfère œuvrer sur plusieurs tableaux. J’avais entendu parler de lui dans un projet au Qatar. Récemment, il était en Arabie Saoudite pour trouver un point de chute à Marouane Fellaini.
Je pense que c’est une espèce de bras droit de Bernard Serin, à qui il fait appel quand il y a besoin de son carnet d’adresses, plutôt que quelqu’un qui va être dans la gestion des affaires sportives courantes. José Jeunechamps à Seraing par exemple, il est aussi passé par le FC Metz. Un peu plus tôt, José Riga était l’entraîneur assistant de Dominique D’Onofrio au Standard quand Lucien était vice-président. Il avait également travaillé pour l’académie Aspire avec qui Lucien D’Onofrio avait fait des affaires. Ce sont des Liégeois et c’est son réseau. »
A gauche, Francesco D'Onofrio, neveu de Lucien D'Onofrio. A droite, Sergio Conçeiao Jr, fils du grand ami de Lucien D'Onofrio.
T.M. : Dans ton livre, Bernard Serin est mentionné pour la première fois lors du rachat du RFC Seraing en 2013, les deux hommes se rencontrent avant ou leur relation commencent à partir de là ?
N.T. : « Lucien D’Onofrio avait investi de l’argent dans le club du RFC Seraing quand Bernard Serin est devenu l’actionnaire majoritaire du club. Depuis, il est un espèce de conseiller officieux de Bernard Serin. Cela s’est d’autant plus vu l’été passé avec le retour aux affaires de Laszlo Bölöni, qui est un coach qu’il avait déjà placé au Standard et à l’Antwerp.
Bernard Serin c’est aussi quelqu’un qui, comme Lucien D’Onofrio, est un Liégeois d’adoption. Le monde liégeois et le monde des affaires liégeoises est un tout petit monde. Bernard Serin est à Liège depuis plus de 30 ans avec son entreprise John Cockerill, il a forcément croisé Lucien D’Onofrio. On dit souvent que Liège est un grand village. Ils se connaissent via des proches en commun. Dominique D’Onofrio, son frère, avait déjà eu un poste au FC Metz avant cela. C’est un cercle assez rapproché de personne. »
T.M. : Son frère, justement, était entré dans la sphère FC Metz avant le rachat de Seraing. C’est grâce à Dominique que Lucien a connu Bernard Serin, ou l’inverse ?
N.T. : « C’est toujours Lucien qui place Dominique. Lucien, c’est son petit-frère, ils n’ont que deux ans d’écart, mais Dominique n’a jamais réussi à se détacher de son étiquette de « frère de ». Il n’a jamais réussi à trouver un autre projet pour entraîner que le Standard. Il fallait bien trouver quelque chose d’autre à Dominique D’Onofrio, donc il devient d’abord directeur sportif du FC Metz, puis de l’ensemble des antennes du FC Metz. C’est d’ailleurs au cours d’une mission scouting à Buenos Aires, quand il y avait une connexion entre River Plate et Metz, qu’il est décédé.
Quand Lucien D’Onofrio quitte le Standard, il a envie de reprendre un club et d’y avoir de l’influence. En 2011, tout s’était écroulé pour lui en deux jours : il est éjecté d’un des plus grands clubs belges, le club est vendu, il est inculpé pour faux, usage de faux, et blanchiment d’argent et il a envie de se refaire. Le RFC Seraing, à la base, c’est un club historique dans la région liégeoise. Dans les années 90, il y a eu de très belles années où le club était en D1. Techniquement, ce n’est pas le même club puisqu’ils ont repris un autre club pour pouvoir faire un saut de trois divisions et arriver directement en D2. A partir de là, il a usé de son réseau pour trouver un poste à Dominique D’Onofrio. D’ailleurs, en 2015 Metz redescend en Ligue 2 et Dominique D’Onofrio se fait remplacer par Carlos Freitas. Diafra Sakho l’avait taclé sévèrement dans la presse en sous-entendant que Dominique n’était pas fait pour un poste comme ça parce qu’il n’en avait pas vraiment les compétences. »
T.M. : On apprend également que c’est lui qui est derrière les arrivées de Luciano Teixeira et Célestin Djim au FC Metz, ce sont ses seuls « coups fumants » en Moselle ?
N.T. : « C’est une bonne question. Je ne sais pas s’il y en a vraiment eu d’autres qui ont été aussi particuliers par la suite au FC Metz. Pour en revenir à ces deux-là, ce qui était particulier c’est que c’était deux joueurs qui faisaient l’objet de pratiques de TPO (NDLR : Third-Party Ownership, tierce propriété d’un joueur de football interdit depuis 2015 par la FIFA). Pour moi, ces deux transferts démontrent bien que Lucien D’Onofrio fait la pluie et le beau temps au FC Metz depuis plusieurs années : le club est devenu l’une de ses plateformes pour relancer des joueurs sur qui il avait investi de l’argent et qui n’avaient encore pas prouvé grand-chose. Il avait investi de l’argent sur ces joueurs et voulait les relancer alors qu’ils n’avaient encore pas prouvé grand-chose.
Célestin Djim entre José Riga et Carlos Freitas.
Pour Luciano Teixeira, ce qui était amusant c’était la communication du FC Metz sur le transfert. Ils avaient annoncé que Luciano Teixeira trouvait que c’était un grand club, qu’il se souvenait d’Emmanuel Adebayor. Il ne connaissait pas vraiment le club avant d’arriver en réalité. En gros, il arrive là parce qu’il faut lui trouver un point de chute parce que ça ne marche pas à Benfica. Ce qui est particulier c’est qu’il n’appartient plus du tout à Benfica, 100% de ses droits économiques sont gérés par Robi Plus, la société offshore via laquelle Lucien D’Onofrio faisait des « affaires ». En d’autres termes le joueur lui appartenait, ce qui est complètement choquant. Luciano Teixeira n’a jamais réellement trouvé sa place à Metz et a ensuite retrouvé un club au Portugal par l’intervention de Lucien D’Onofrio. Il l’avait placé à Chaves où était à ce moment-là Luis Norton de Matos, un de ses grands amis.
Ensuite, Célestin Djim c’est encore autre chose. Lucien D’Onofrio a essayé de le transférer contre son gré en Arabie Saoudite. Il avait été vendu à Al-Hilal et il est mis devant le fait accompli du transfert. Ni le joueur, ni sa famille ne voulait qu’il aille là-bas. La solution qu’il va trouver, c’est de l’envoyer en prêt au FC Metz. Les deux frères Djim (NDLR : son frère, Tony, était également au FC Porto) ont été tellement dégoûtés du foot qu’ils ne jouent plus maintenant, alors qu’ils étaient deux espoirs du foot belge, sortis de l’académie du Standard et internationaux en jeunes. Ils sont partis très jeune au FC Porto par l’intervention de Lucien D’Onofrio, et tout ce qui est arrivé par la suite les a poussé à arrêter. »
T.M. : Actuellement, c’est Laszlo Bölöni, qui a été son entraîneur par deux fois, qui est à la tête du FC Metz. Quelles sont ses relations avec lui ?
N.T. : « Ils se sont rencontrés en 2000 et ils ont gardé contact. C’est un des entraîneurs du réseau de Lucien D’Onofrio. C’était déjà assez surprenant de le voir revenir dans le foot belge à l’Antwerp en 2018 parce qu’on disait déjà qu’il avait fait son temps. Et là où tu sens que la relation va plus loin qu’une relation d’affaire, c’est que ce qui a marqué une cassure dans le parcours de Lucien D’Onofrio à l’Antwerp, c’est quand Ivan Leko avait été recruté dans le dos de Lucien pour remplacer Laszlo Bölöni. A l’Antwerp on en avait marre des techniques à l’ancienne de Lucien D’Onofrio, et Ivan Leko représentait quelque chose de plus jeune. A partir de ce moment-là, ça a été le début de la fin de la période D’Onofrio à l’Antwerp. »
T.M. : A Seraing, on sent aussi la patte D’Onofrio avec beaucoup de ses hommes dans le club : Luis Norton de Matos, Daniel Opare, Carlos Freitas, José Jeunechamps, entre autres. Quels sont ses pouvoirs là-bas ?
N.T. : « A Seraing, c’est clairement le club où il est le plus influent maintenant. Il y a investi dans le passé, l’ancien président Mario Franchi était un grand ami à lui, le directeur général actuel c’est son comptable, son neveu est entraîneur adjoint, son ami Carlos Freitas est directeur sportif. C’est clairement le club de son réseau. Je ne pense pas que tous les transferts soient de son fait, mais une bonne partie des transferts sont liés à son réseau.
On parlait à un moment de Dieumerci Mbokani, qui a finalement signé à Westerlo, qui était tuyauté à Seraing par Lucien D’Onofrio. Quand il était arrivé en Belgique, il avait déjà réussi à le chiper à Anderlecht pour le prendre au Standard, ensuite il l’a fait partir à Anderlecht, et il l’a pris à l’Antwerp. »
Interview réalisée et retranscrite par Tanguy M.
www.socios-fcmetz.com
Crédit photos: Icon Sport, FC Metz, Sudinfo
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