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·18 December 2024
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Grand talent de l’Olympique Lyonnais prêtée au Havre, Inès Benyahia incarne la relève du football français. La numéro 10, dotée d’une vision du jeu hors du commun, est aussi à l’aise ballon au pied que face à notre micro. La Sudiste s’est confiée dans un entretien passionnant où elle jongle habilement avec nos questions, non sans une pointe d’humour.
Voici quelques extraits de notre interview de Inès Benyahia. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°364 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 9 février.
Entretien réalisé avant son retour à l'OL.
Comment le football est-il rentré dans ta vie ?
J’ai commencé à l’âge de 4 ans, j'étais toute jeune. C’était grâce à mon frère. J’allais toujours voir ses matchs, à l’époque, il évoluait dans un club à côté de la maison. Quand j’allais le voir jouer, j’avais toujours un ballon dans les pieds, je voulais toujours jouer, faire comme lui, l’imiter. Bon, au début, ma mère n’était pas trop partante. Elle voulait que je fasse de la danse (rires), c’était compliqué.
Tu as essayé la danse ?
Non, finalement, elle a bien vu que j’avais toujours un ballon dans les pieds, du coup, je suis partie pour le football. J’ai réussi à la convaincre.
Du coup, ton grand frère a une part importante dans ton parcours ?
Oui, mais il n’est pas le seul. Il y avait aussi mon père qui m’aidait, qui m’accompagnait partout. Mais mon frère me prenait au city, on faisait des five. Mon père n’était pas trop dans le foot, mais comme mon frère et moi étions dedans, il a dû s’y mettre.
Où as-tu commencé ?
J’ai débuté dans un petit club à côté de chez moi nommé Fabrègues. Mais rapidement, je me suis envolée pour Montpellier et le MHSC. J’avais 8 ans. Il y avait une section féminine, mais ils m’ont dit d’aller avec les garçons. De U8 à U15, j’ai joué uniquement avec les garçons. J’ai même été surclassée de U12 à U13.
Te rappelles-tu de tes premiers entraînements ? On sait que cela peut être parfois difficile de s’intégrer en tant que fille…
Oui, effectivement. Quand on voit les filles jouer avec les garçons, souvent, les garçons peuvent être réticents, et ils n’aiment pas trop que les filles soient plus fortes qu’eux. Moi, je kiffais ça, être plus forte que les garçons. Je voulais leur montrer qu’une fille était largement capable de leur tenir tête. Personnellement, je n’étais pas dérangée par cela. Mais il y avait sûrement quelques garçons que ça dérangeait.
L’intégration s’est donc bien passée pour toi ?
Oui, quand ils ont vu que j’avais le niveau, ils kiffaient jouer avec moi, ils voulaient même jouer avec moi dans leur équipe. J’ai un souvenir particulier par rapport à ça. En fait, quand j’étais en U8, il faut savoir que j’étais très forte en jongles. Quand je rentrais de l’entraînement, mon père me faisait des petites séances, pied gauche, pied droit, en me disant que je ne pourrais pas rentrer tant que je ne jonglais pas (rires). J’étais toujours en train de jongler. Et surtout, je savais faire des tours du monde depuis toute petite. Quand j'ai débarqué à Montpellier, j’étais la seule à savoir faire ça, j’étais la star des tours du monde (rires). Je devais avoir 8-9 ans, je faisais des tours du monde devant eux, ils avaient la bouche qui pendait et disaient : « C’est la fille qui sait faire des tours du monde », c’était une dinguerie.
Tu leur as donné des cours particuliers en tour du monde ?
Bien sûr, je leur ai appris. Bon, ce n’était pas aussi fluide que moi (rires).
Regardais-tu beaucoup de football quand tu étais jeune ?
Très rapidement, je me suis mise à consommer du football. Il faut savoir que je suis une grande fan du FC Barcelone et de Lionel Messi. Je regardais toutes ses vidéos, ses buts, ses actions, ses dribbles… je passais des heures sur YouTube. J’aimais trop regarder le football avec mon père, mon frère, aller voir des matchs en vrai, on allait même voir les féminines de Montpellier ! Je suis une vraie passionnée.
Tu nous parles de Messi, c’était ton inspiration quand tu étais jeune ?
Je m’inspire de tout le monde, mais j’étais plus proche des garçons. Oui, je regardais Messi, j’étais en admiration devant ses performances.`
Lionel Messi a pendant longtemps porté le numéro 10, et toi, tu évolues au poste de numéro 10. Quelles sont tes qualités ?
J’ai la chance d’avoir une super vision du jeu, je suis technique, à l’aise avec le ballon, j’essaie toujours de le rendre le plus propre possible. Comme j’ai une bonne vision du jeu, je peux rapidement trouver des solutions en une touche de balle pour casser les lignes. Physiquement, j’ai su m’étoffer au fil du temps. Désormais, je m’impose plus dans les duels, j’ai la chance d’être grande, c’est plus facile pour moi.
La vision du jeu, la vista, c’est inné selon toi ?
Oui, j’ai l’impression de l’avoir toujours eue. C’est grâce à mon frère. Je le voyais capable de casser des lignes avec le ballon, c’était impressionnant. Lui aussi était numéro 10. Depuis que je suis petite, j’ai toujours eu ce style de jeu. J’ai l’impression de voir des choses que les autres ne voient pas. C’est inné.
Ton frère a longtemps joué au football ?
Oui, il a toujours joué au football, mais il en fait à un plus bas niveau, il n’a pas réussi à passer le cap, puis il s’est reposé sur ma carrière (rires). J’ai fait carrière à sa place. J’ai une très bonne relation avec lui, on est souvent en contact. C’est un joueur, donc il a forcément un bon regard. Il me donne beaucoup de conseils, me relève les points négatifs, ça m’aide beaucoup dans ma progression.
Au niveau du caractère, tu es quel style de joueuse sur le terrain, dans le vestiaire ?
Quand je me sens bien dans l’équipe, comme actuellement au Havre, je suis quelqu’un de toujours souriante. Même sur le terrain, je rigole. Je peux même faire des blagues sur le terrain avec les adversaires, je rigole avec tout le monde. J’ai aussi un caractère un peu spécial, j’ai tendance à beaucoup m’énerver. Mais avec les années, ça passe tout doucement, je tente de m’assagir. J’ai le sang chaud, c’est normal, je viens du sud de la France. Je suis du style à toujours motiver les autres.
As-tu pris quelques cartons jaunes en râlant auprès des arbitres ?
Non, je les aime bien les arbitres, ce sont mes copines, je leur parle pendant le match, c’est important, sinon, elles peuvent être dures avec toi.
As-tu des souvenirs de coachs marquants dans ta carrière ?
Il faut savoir que depuis que j’ai 11 ans, Sonia Bompastor me suit. C’est certainement celle qui m’a le plus marquée durant ma carrière, ainsi que Théo Rivrin, qui est désormais son adjoint à l’Olympique Lyonnais. Quand j’avais 11 ans, l’Olympique Lyonnais est venue, j’ai réalisé une détection et le club voulait que je vienne. Mais c’était trop tôt pour moi, la distance, le changement de vie, ça faisait beaucoup, j’ai préféré attendre plus tard.
Quand on a 11 ans et que l’Olympique Lyonnais vient taper à sa porte, ça doit faire bizarre, non ?
Mon père était persuadé que j’allais réussir dans le football, il avait vu que j’aimais trop ça depuis toute petite. Ma mère était un peu plus mitigée, c’était plus compliqué. Quand l’OL vient, c’est un grand club, pour les filles, c’est incroyable. Ma mère était contente, mais elle avait aussi peur de la distance, surtout à cet âge-là. Ça peut être compliqué de trouver son équilibre. Il faut savoir que je suis quelqu’un de très famille. C’est dur de partir loin de ses proches.
C’est un choix qui s’est avéré payant finalement…
Je ne ferais peut-être pas la carrière que je fais actuellement si j’étais partie jeune à l’OL. Mes parents m’ont toujours aidée au quotidien, ils m’ont soutenue, ils m’ont appris à être une fille indépendante, à savoir me gérer. C’est important pour moi dans mon quotidien. Grâce à ça, je sais gérer ma vie toute seule.
Finalement, tu as dit non à l’OL à 11 ans pour y signer quelques années plus tard, en 2018 !
Pour moi, c’était un truc de fou. L’Olympique Lyonnais, tout le monde rêve de jouer là-bas. Quand on voit des joueuses comme Amandine Henry… on rêve de jouer là-bas. Tu te rends compte que tu es proche du but. J’ai fait ma formation là-bas, c’était super cool, franchement, ça m’a grave appris. Il y avait Sonia Bompastor, qui m’a beaucoup aidée. Elle connaît mon caractère, elle sait comment s’y prendre avec moi. Franchement, ce n’était que du bonheur.
Ce passage au centre de formation, c’est forcément un moment marquant dans une carrière ?
Le centre de formation, c’est très important. C'est là où tu apprends que le football de haut niveau n’est pas facile. C’est là que les coachs font des choix forts, qu’il faut travailler dix fois plus qu’avant, physiquement, mentalement. C'est là que tu vois le vrai foot, tu n’es plus dans un city à jouer avec tes collègues.
À quel moment t’es-tu dit que devenir joueuse professionnelle était possible ?
C’est simple, depuis que j’ai 8 ans ! J’ai toujours dit à tout le monde que j’allais faire ça. Quand j’allais voir la conseillère d’orientation au collège, je disais que je voulais devenir footballeuse professionnelle. Les gens rigolaient, ils me disaient de trouver un vrai métier, mais moi, j’étais déjà persuadée. Aujourd’hui, plus personne ne rigole de ça !
As-tu été surprise par la rigueur, l’exigence, d’un club comme l’OL ?
C’est une autre dimension. Après, j’ai toujours eu de la rigueur grâce à mon père et mon frère. Ils ont toujours été derrière moi, ont tout fait pour que je sois formée au plus haut niveau. Être prête le jour J. J’ai eu une phase compliquée quand j’ai quitté ma famille, mais j’ai toujours eu cette rigueur. Je me suis sentie à ma place dans cet environnement.
Après le centre de formation, tu rejoins rapidement le groupe professionnel. Tu t’attendais à ce que ça aille aussi vite ?
Mon père s’attendait à ce que ça aille plus vite. En U19, j’ai fait une très bonne saison alors que j’étais sans doute la plus jeune du groupe. J’étais déjà un peu une leader technique. Je pense que Sonia Bompastor avait déjà en tête de me signer à l’époque. J’ai rapidement paraphé mon premier contrat professionnel. Ça m’a fait une sensation bizarre. C’est quelque chose de signer, surtout quand tu rêves de cela depuis que tu as 8 ans !
Tu n’as pas essayé de rappeler la conseillère d’orientation pour lui dire que tu avais signé ?
Ahah, pas loin, j’aurais peut être dû (sourire) !
L’écart de niveau entre les U19 et les A, tu l’as ressenti ?
Évidemment, c’est un vrai écart. En U19, c’est quand même plus tranquille, mais avec les professionnelles, il faut une discipline de dingue. Tu vois les grandes joueuses autour de toi, tu es obligée de te mettre au diapason. Ça ne rigole pas, ça a été dur. Ma première année a été compliquée, mais au fil du temps, j’ai su m’intégrer de plus en plus dans l’effectif.
Comment gère-t-on la pression du plus haut niveau dans un club comme l’OL, où seule la victoire compte ?
C’est une culture qu’il faut avoir, la culture de la gagne. Tu ne peux pas signer à l’OL sans avoir cela en toi. Il faut tout gagner, c’est l’objectif. Après, tu as ta famille, tes amis, pour t’entourer dans ces moments-là.
Tu as été impressionnée par certaines joueuses avec qui tu as joué ?
Oui ! Il y a Dzsenifer Marozsán. Elle me régale, c’est la pure numéro 10. La première fois que je l’ai vue, je me suis dit « Wahou ». J’ai appelé mon père après pour lui dire, c’est ça le foot !
C’est une de tes inspirations ?
Oui. En plus, je parle beaucoup avec elle, elle m’aide beaucoup dans ma carrière, c’est un très bon exemple.
Tu as remporté une Ligue des Champions à 19 ans, c’est dingue d’arriver si vite, si haut.
Franchement, c’est un truc de fou, je ne peux même pas expliquer la sensation. En plus, c’était contre le Barça, l’équipe qui me faisait rêver plus jeune. J’ai touché la Coupe alors que quelques mois auparavant, je la voyais à la télévision. Je suis redevenue une enfant !
De quoi rêves-tu désormais ?
Tout gagner, comme une athlète de haut niveau. Les titres collectifs, individuels… tout !
L’été dernier, tu as bouclé tes bagages pour t’envoler vers Le Havre en prêt. Comment s’est passé ce départ ?
C’était un départ un peu précipité. J’avais fait une bonne préparation avec l’Olympique Lyonnais, mais je n’étais pas encore assez prête pour m’intégrer complètement dans l’effectif. Il y a de très grandes joueuses. C’est compliqué en tant que jeune, je n’ai pas encore vraiment de palmarès, je ne peux pas encore prouver qui je suis. Au début, c’était compliqué, tout a changé, les infrastructures, les joueuses, la mentalité. Mais ça me permet de me développer encore plus mentalement et physiquement, car on défend beaucoup plus. C’est un de mes axes de travail. La technique, je l’ai en moi. Je ne regrette pas du tout, je sens que ça m’aide et que ça va me propulser dans ma carrière.
Ton adaptation s’est plutôt bien passée avec un titre de joueuse du mois, la première fois de l’histoire pour Le Havre !
Oui, même si les performances individuelles passent forcément par le collectif. Les filles me parlent beaucoup, elles comptent sur moi, et quand on sent l’aide de toute l’équipe, on performe et le football devient plus facile.
C’est une sacrée pression d’être une cadre à 20 ans, tu ne trouves pas ?
Bien sûr. Quand on a 20 ans et qu’on doit être leader, ça aide pour le futur. Quand je vais retourner à l’Olympique Lyonnais, j’aurai ça en moi. Il faut avoir cela pour s’épanouir dans un tel club.
Si tu avais une note à mettre à ta première partie de saison, ça serait quoi ?
Déjà, je la sépare en deux. La première partie, j’ai dû m’adapter. Ensuite, dès que j’ai commencé à jouer, à me sentir bien, j’avais l’impression de flotter sur le terrain. On va dire 6/10, au début, ça n’était pas trop ça, puis, tout est venu naturellement, avec le trophée de meilleure joueuse du mois, ça m’a aidé à prendre confiance en moi. En plus, je termine devant Eugénie Le Sommer.
Quels sont les objectifs pour la seconde partie de saison ?
Tout d’abord, il faut toujours se fixer des objectifs, sinon, on ne peut pas atteindre le haut niveau. J’aimerais doubler mon nombre de passes décisives et de buts. Collectivement, je veux qu’on atteigne les play-offs, c’est mon ambition. Certaines me disent que je vise haut, mais il faut viser haut.
Ce nouveau système de play-offs rend-il la saison plus excitante ?
Évidemment. Quand on est dans un championnat avec le Paris Saint-Germain et l’Olympique Lyonnais, ça n’est pas facile de se faire une place pour gagner le titre. En revanche, sur un match, tout est possible, on a déjà vu des équipes renverser ces deux cadors sur une rencontre. Il faut juste y croire.
Il y a ton club du Havre, mais aussi l’équipe de France. Tu as porté le maillot des Bleues dans toutes les sélections jeunes, tu penses aux A désormais ?
Oui, surtout qu’il y a les Jeux olympiques à la fin de l’année. Je sais que si ça se passe bien en club, ça se passera bien en sélection. En U23, ça se passe super bien. Forcément, j’ai les A dans ma tête, surtout quand on a fait toutes les classes. Les A, c’est le rêve ultime.
Jouer les Jeux olympiques à Paris, ça fait rêver…
On ne peut pas ne pas y penser, j’y pense souvent. Je pense à l’équipe, mais aussi à ma carrière. Ce prêt va m’aider à montrer qui je suis, aux coachs et au sélectionneur, montrer que je suis prête à jouer au plus haut niveau. Jouer les JO en France, c’est incroyable, c’est un rêve.
Hors du foot, j’ai pu voir que tu avais aussi un certain talent musical !
Je suis plutôt axée musique ! J’adore la guitare. Bon, je ne l’ai pas prise avec moi au Havre, car je ne suis partie qu’un an. Je joue de la guitare, du piano, ça me détend, ça me fait du bien. Mon père m’a mise dedans quand j’étais petite pour avoir quelque chose en plus du football.
Tu prévois un concert au Havre si vous vous qualifiez pour les play-offs ?
Allez, pourquoi pas !
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cette seconde partie de saison ?
À moi et à l’équipe de terminer en play-offs et tout casser !
Avant de retourner à l’OL avec de l’ambition ?
Avec de grandes ambitions !
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