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·23 May 2025
ASSE : "Il n'y a jamais aucun constat, aucune décision radicale"

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Bernard Lions, journaliste de l'Équipe qui s'occupe de l'ASSE depuis de nombreuses années, a répondu aux questions de Franck Talutto dans le podcast "Dessous des Verts". Voici quelques extraits sur Kilmer et cette saison catastrophique.
"Ils ont commis une erreur de diagnostic, les dirigeants du board de Kilmer — et c’est incroyable. Une méconnaissance flagrante les a conduits à sous-estimer le niveau réel de la Ligue 1. Je prends deux exemples : on a eu l'impression qu’à leurs yeux, le niveau de la Ligue 1 était équivalent à celui du championnat autrichien, dans lequel évoluait Augustine Boakye, ou à celui du championnat belge, où jouait Lucas Stassin. Ils ont oublié une chose essentielle : la dimension athlétique et physique, qui est fondamentale. Vous avez pu le constater dans les interviews de nombreux joueurs étrangers : la Ligue 1, c’est très exigeant physiquement. Il faut beaucoup courir. Si tu ne cours pas, tu ne touches pas le ballon. Et si tu n’as pas le ballon, tu perds les matchs.
Il y a donc eu une méconnaissance totale. À partir de là, ils ont persisté dans une erreur d’analyse — et pas une petite erreur. Et ça, on n’a pas cessé de le répéter, je ne suis pas le seul à l’avoir dit. En Ligue 1, si tu veux t’en sortir, tu ne peux pas te contenter de miser sur des "profils", c’est-à-dire des jeunes à développer. Je suis désolé, mais la Ligue 1, ce n’est peut-être pas l’Angleterre, l’Espagne ou l’Allemagne, mais ce n’est certainement pas un centre de formation."
"La Ligue 1 est un championnat de très, très haut niveau qui nécessite des joueurs confirmés. Ce n’est pas parce que tu joues en Ligue 1 que tu as le niveau de la Ligue 1. Il faut vraiment avoir le niveau. Et il faut bien le dire : pratiquement aucun joueur de Saint-Étienne, ce qui est complètement fou, n’avait ce niveau. C’était déjà visible dès la montée. Une montée d’ailleurs obtenue presque miraculeusement.
Faites un test très simple : prenez le onze type de l’ASSE la saison dernière, élargissez-le à quinze joueurs, et posez-vous une question toute bête : combien parmi eux ont vraiment le niveau Ligue 1 ? Vous pouviez les compter sur les doigts d’une main.
À partir de ce constat — qui n’était pas difficile à faire — on devait se dire qu’il fallait tout reconstruire. Donc il fallait recruter dix à douze joueurs. Ils en ont pris neuf, l’été dernier."
"Sur ces neuf recrues, il n’y en a pratiquement aucune — à mes yeux, aucune — qui avait le niveau pour la Ligue 1. La preuve ? Eirik Horneland, malgré sa fidélité à une philosophie dogmatique, axée sur le développement de profils à fort potentiel, n’en a aligné que deux sur les onze (en comptant les deux recrues hivernales). Et encore, Cardona n’est pas vraiment une recrue. Il a aligné Zuriko Davitashvili et Pierre Ekwah. Pourquoi ? Parce que les autres étaient soit blessés, soit insuffisants pour le haut niveau.
C’est une série d’erreurs à tous les étages. Un diagnostic raté. Et maintenant on parle d’audits... Mais qu’on m’explique ! Tu rachètes un club, tu ne vas pas me faire croire que tu n’as pas fait des audits pendant six ou huit mois — audits sportifs, financiers, sur le centre de formation, etc. Or, on a encore passé une année, à Saint-Étienne, à "faire des audits". Aucun constat clair, aucune décision radicale n’a été prise. Le club semble avoir pour seul objectif de développer des joueurs, des "prospects", des "profils" — une stratégie complètement inadaptée à la Ligue 1.
Est-ce que vous avez entendu les dirigeants stéphanois tirer la sonnette d’alarme ? Dire à l’hiver : "Attention, il nous faut absolument recruter au mercato sinon on ne s’en sortira pas" ? Non. Ce qu’on a entendu, c’est : "On veut mettre en place un projet de jeu, développer le club, reconstruire." Très bien, mais vous les avez entendus, les dirigeants ?"
"Je suis convaincu qu’ils n’ont absolument pas pris la mesure du championnat de France. Pas du tout. Rappelons-le : Ivan Gazidis vient de la MLS, puis d’Arsenal, puis de la présidence de l’AC Milan. C’est un dirigeant de très haut niveau — j’ai été extrêmement surpris quand on a annoncé qu’il allait devenir président de l’ASSE. Je le connaissais du Milan AC. Je me suis demandé : comment le président du Milan peut-il devenir celui de Saint-Étienne ? Il fallait que je sois sûr de mes infos.
Je ne remets pas du tout en cause les compétences d’Ivan Gazidis — c’est une chance pour l’ASSE de l’avoir. C’est un dirigeant de tout premier plan. Mais ce n’est pas parce qu’on est un grand dirigeant international qu’on connaît bien le championnat français. Et c’est là, selon moi, que se situe la faille.
Je sais que beaucoup de supporters veulent la tête de Loïc Perrin, de Jean-François Soucasse, de Samuel Rustem. Mais ce sont des exécutants. La direction, c’est le triumvirat de Kilmer — j’utilise ce mot même s’il n’est pas parfait. Ivan Gazidis est là pour présider, pas pour gérer le sportif. Le vrai responsable du projet sportif, c’est Huss Fahmy. Et Jason Rosenfeld, lui, est Monsieur Data, l’analyste. Ce sont eux qu’il faut regarder. Ce qui leur a manqué, clairement, c’est une vraie expertise de la Ligue 1."
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