Paroles d'Ex - Joseph-Antoine Bell : "Grâce au sport, on entre dans la vie des gens" | OneFootball

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·22. November 2024

Paroles d'Ex - Joseph-Antoine Bell : "Grâce au sport, on entre dans la vie des gens"

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Portier félin au pays qui a fait roi Salif Keita, la panthère noire, Joseph-Antoine Bell, indomptable parmi les Lions Indomptables, a, tout au long d'une carrière d'une remarquable longévité et qu'il a achevée à l'ASSE, séduit de par son humanisme, son intelligence, son indépendance et son verbe haut. Quitte à déranger parfois. Joseph-Antoine Bell fut également un homme libre sur le rectangle vert, initiant un rôle nouveau pour le poste de gardien de but  élevé au rang d'acteur connecté à sa formation. Aujourd'hui, septuagénaire sémillant et toujours d'une rare élégance, Joseph-Antoine Bell n'a de cesse de promouvoir le football africain, s'investissant avec détermination dans sa mission de Président de l'Ordre National des Infrastructures et Équipements Sportifs de la République du Cameroun.

Joseph-Antoine, quel fut ton partenaire le plus talentueux ?


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Chez les Verts, indéniablement Lubo Moravcik. Un joueur confirmé, doté de grosses qualités techniques, physiquement capable de répéter les efforts et doté, en outre, d'un bon état d'esprit. Et puis, mon coup de cœur : Titi Camara. Il avait du feu dans les jambes mais ne bénéficiait pas de la confiance du staff. Je m'en étais étonné. On le faisait rentrer vingt minutes, le jetait dans la bataille alors que nous étions menés. Il était jeune et on faisait peser sur lui la responsabilité d'un éventuel sursaut. C'était injuste. Il n'avait pas l'esprit dégagé pour exprimer tout son talent.

L'adversaire qui t'a le plus impressionné ?

Tout d'abord, j'avais un principe. Intangible. Je ne cessais de le rappeler à mes coéquipiers et à mes défenseurs notamment : tout adversaire est dangereux si on lui laisse du temps, de l'espace et le ballon. Abedi Pelé, à cet égard, s'il bénéficiait de cette liberté, pouvait décider du sort d'un match. C'était un super dribbleur, capable de distiller la passe qui fait mal. Il avait un gros cœur et savait tout faire avec justesse et efficacité.

L'attaquant que tu redoutais tout particulièrement ?

Jean-Pierre Papin, bien évidemment. Si vous ne le serriez pas de près, si vous lui offriez la possibilité de s'organiser, alors il déclenchait avec une spontanéité et une adresse peu communes. Un attaquant exceptionnel.

Le partenaire le plus extraverti ?

À Sainté, Jean-Pierre Cyprien et Étienne Mendy. Toujours de bonne humeur, drôles, ils ne se prenaient pas la tête.

L'adversaire le plus agressif ?

Plus exactement, le plus teigneux. Je pense à Jean Tigana. Il avait quelque chose de spécial. Il avait un gabarit atypique mais ne renonçait jamais, Je me souviens d'un jour au Vélodrome. Nous menions 4-0 face aux Girondins. Il se battait encore pour aller gratter des ballons dans les pieds. Il haïssait la défaite, ne trichait pas.

"Deux charnières d'exception chez les Verts"

Derrière quelle charnière aimais-tu évoluer ?

À l'ASSE, j'ai eu la chance de jouer derrière deux paires de centraux de grand talent : Cyprien - Kastendeuch et Cyprien - Blanc. Ce dernier était costaud dans sa tête. Après l'élimination des Bleus pour la Coupe du monde face à la Bulgarie, il avait su faire face dans l'adversité sans jamais se démonter. Il avait également dénoncé des attitudes racistes. Un sujet qui m'était forcément cher, ayant été trop souvent victime de cette intolérance. Au départ, je me disais, dans les stades, il s'agit d'une animation bête, une reproduction, un copié collé stupide destiné à déstabiliser l'adversaire. Les paroles ne me touchaient pas; Or, on est passé de la violence verbale à la violence physique. J'en ai été victime lors de la réception de l'OM à Geoffroy-Guichard. J'ai reçu un projectile lancé par un fan phocéen et suis resté étendu sur la pelouse. Plus tard, à l'occasion de mon dernier match dans le Forez, pour un derby en 1994, une paire de ciseaux a atterri dans ma cage.

Ton meilleur souvenir en Vert ?

La victoire à Gerland (2-0) en 1993 avec Jacques Santini sur le banc. On connaît tous le parfum particulier de ces confrontations avec l'OL. Cette année-là, nous avions d'ailleurs signé deux clean-sheets face à Lyon (0-0 à l'aller). Les derbies m'ont d'ailleurs plutôt bien réussi. J'étais du 3-0 en 1994 dans le Chaudron avec le doublé d'Étienne Mendy.

Plus globalement lors de ta riche et longue carrière ?

Cette rencontre-là peut-être. Je bouclais la boucle avant de m'envoler pour disputer la Coupe du monde avec le Cameroun. J'ai toujours douté, craint de me tromper dans ma vie, mes choix de carrière. Je ne voulais pas faire le match de trop. Ma longévité, que l'on a alors qualifiée d'exceptionnelle, m'avait déjà comblé.

"La frustration de la demi-finale de Coupe perdue face à Nantes"

Ta plus grande désillusion vécue dans le Forez ?

La demi-finale de Coupe de France que nous avons perdue à domicile face à Nantes (0-1) en 1993. Le ciel nous avait ouvert ses portes. Nous étions à 90 minutes de monter à Paris. Hélas, je pense que le sportif a été pris en otage. Nous avons sans doute souffert des problèmes que le club rencontrait. Il y avait des batailles de pouvoir dans le cadre de la reprise de l'ASSE. Pas sûr que certains aient apprécié ce cadeau fait au président Laurent que cette finale aurait représenté. Ce fut une immense frustration.

Et celle que tu as connue tout au long de ses vingt-cinq années chez les pros ?

En 1982 lors du Mondial en Espagne, bien que invaincus lors de la phase de poules, nous avons été éliminés au goal average et des calculs savants. Pour une première participation du Cameroun à ce rendez-vous planétaire; cela aurait été un authentique exploit. C'est d'autant plus vrai que les deux nations sorties de la poule ont été l'Italie, sacrée championne du monde, et la Pologne, classée troisième. Si près, si loin !

Le coach qui t'a le plus marqué ?

J'en citerais deux : un coach britannique, Michael Everett, que j'ai eu en Égypte. Il ne me bridait pas dans la volonté d'être acteur, d'être connecté au reste de l'équipe. "On pourra bientôt jouer sans libéro, me disait-il. On prendra peut-être un but un jour mais on en aura peut-être évité 1 000". Idéal non pour la confiance! Et puis, bien sûr Raymond Goethals à Bordeaux. Lors du premier stage de préparation, il me demande de m'adresser au groupe. "Comment doit jouer l'équipe?" Je prône une défense de zone. J'étais un fervent partisan de ce système. À l'issue de la présentation, il s'est borné à un commentaire : "OK, vous avez tous bien compris." Je fais souvent l'analogie avec l'école lorsque l'instituteur vous appelle au tableau afin que vous apportiez éventuellement une correction. Raymond Goethals était ouvert au dialogue et a validé mon souhait. Il n'entendait pas créer du désordre. Un jour, en amical face au Servette, Dominique Dropsy était dans la cage. le coach a précisé : "Attention, aujourd'hui on ne joue avec Joseph."'

La causerie d'avant-match dont tu te souviens ?

Plutôt la causerie d'après-match. On s'impose sur le score de 3-0 avec les Girondins. A priori, pas de souci. Or, le président Bez rentre dans le vestiaire, furax. Il engueule tout le monde comme ce n'était pas possible. "On a gagné mais le meilleur joueur a été Joseph. Est-ce normal que notre gardien réalise autant d'arrêts ? On gagne mais on ne joue pas bien". Claude Bez était expert-comptable, un homme de chiffres. Les statistiques lui parlaient. C'était un dirigeant d'un réalisme absolu, d'une grande correction, tenant ses promesses et pour lequel la parole était d'or.

Les images qui te reviennent lorsque l'on évoque un certain ASSE - OM en 1991 ?

En 1993, nous nous qualifions en quarts de finale de la Coupe de France face aux Marseillais (2-1, a.p.). Au Cameroun, dans la capitale, a soudain retenti une forme d'explosion. Le Président de la République a demandé à un de ses conseillers : "Mais que se passe-t-il?" Ils fêtent la victoire de Saint-Étienne; C'est Bell dans les buts ! J'ai également un autre souvenir en 1993 au Vélodrome en championnat: ce fameux but de Rudi Voeller qui vient me chiper le ballon dans les bras. Nous avions perdu (3-1, l'ASSE avait concédé un penalty et avait fini à 10 après l'expulsion de Laurent Blanc). Sur TF1, un arbitre avait évoqué "une aberration" dans la mesure où l'on ne peut pas toucher un gardien dans sa surface. Quelques jours plus tard, je prenais part à une réunion en Suisse à la FIFA en qualité de représentant des joueurs. Une cassette a été visionnée et la commission a pointé du doigt la France, précisant fermement sa position. C'est à ce moment-là que nous avons planché, dans le cadre de la Task Force 2000, à des modifications sensibles des règles du jeu.

Le transfert qui ne s'est pas réalisé ?

En 1991, j'aurais pu et dû signer au Barça. J'ai reçu un télex de félicitations du président du club catalan. Cela n'avait rien d'innocent, de gratuit. Je venais d'être nommé Ballon d'Argent Africain. Il n'était pas aisé cependant de vendre aux socios l'arrivée d'un gardien de 37 ans alors même que pas mal de questions se posaient quant à l'âge et au devenir d'Andoni Zubizarreta et ses 30 ans. Cela ne s'est donc pas fait mais toutefois ce fut terriblement valorisant. Et finalement, j'ai signé à Sainté pour mon plus grand bonheur.

Un événement qui t'a touché et que tu n'as jamais raconté ?

Un moment incroyable que seul, sans doute, le sport, peut susciter. Il crée des liens et vous fait entrer dans la vie des gens. J'étais à Roissy où je m'apprêtais à embarquer pour le Cameroun lorsque j'ai reçu un appel. Au bout du fil, on me dit : "Bonjour, Monsieur Bell, excusez-nous de vous déranger, quelqu'un voudrait vous parler. On vous le passe.". Et là, j'échange avec un supporter stéphanois à l'article de la mort. C'était sa dernière volonté qu'il avait exprimée auprès de ses proches : me parler. Un moment complètement incroyable. Il est hélas décédé quelques jours plus tard. Si ses parents, ses amis, fervents ou lointains supporters de l'ASSE lisent ces lignes, qu'il sache que je pense souvent à ce moment-là. Évoquer aujourd'hui encore cet instant-là me fait venir les larmes aux yeux.

Si vous avez la riche idée de franchir le seuil du Musée des Verts, vous découvrirez le maillot porté par Joseph-Antoine Bell, gardien de l'ASSE, trois saisons durant de 1991 à 1994. Un maillot avec un partenaire qui parle à toutes les Stéphanoises et tous les Stéphanois, celui de Casino, société fondée par Geoffroy-Guichard. D'ailleurs, à ce propos, sachez que tant l'AS Casino que le Stade Olympique Montpelliérain, ancêtres de l'ASSE et du MHSC, ont été créés la même année, en l'occurrence en 1919.

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