Foot National
·7. November 2024
In partnership with
Yahoo sportsFoot National
·7. November 2024
Fabien Pujo à cœur ouvert. Arrivé sur le banc de l’AS Cannes (National 2) durant l’été avant d’en être remercié au début du mois d’octobre, le technicien de 51 ans a rapidement rebondi en reprenant en main le GOAL FC (National 2). Un club qu’il connaît parfaitement pour l’avoir entraîné entre 2022 et 2024, avec une montée historique vécue en National. Championnat qui, d’ailleurs, ne laisse pas insensible l’ancien coach de Bergerac et Toulon. Pour Foot National, Fabien Pujo se confie longuement sur sa courte expérience et son départ de la Croisette, son come-back chez un GOAL FC en difficulté et ses aspirations. Entretien.
Fabien, pourquoi ton aventure à l’AS Cannes n’a pas fonctionné ?
Je sortais tout juste d’une saison en National avec le GOAL FC, à l’issue de laquelle nous ne nous sommes pas maintenus sportivement. Et puis, il y a une intersaison un peu complexe : il me reste une année de contrat avec le GOAL FC, le président veut bien me libérer mais pour de la N2, pas pour de la N1, … alors je saisis cette opportunité en National 2 à Cannes. Quelques jours plus tard, Dijon (N1) se manifeste. Mais la parole est pour moi quelque chose de très important : je m’étais engagé avec Cannes, donc je suis resté sur mon engagement. J’y suis arrivé début juillet pour la reprise, et j’y ai passé quatre mois de grande qualité, vraiment, que ce soit les gens avec lesquels j’ai travaillé, la structure, le groupe qu’on avait constitué, … Et je pense que tous les temps de passage étaient positifs parce qu’il y avait un projet d’exprimer un football de prise d’initiative, de pressing et de volonté de marquer beaucoup de buts. Et en fait, il y a deux mots qui étaient présents pendant la préparation mais pas lorsque nous sommes rentrés en compétition : « décisifs » et « efficaces ». Tout ça a engendré un état d’esprit américain.
C’est-à-dire ?
Quand tu fais quatre premiers nuls sur les quatre premiers matchs (*), c’est quatre défaites pour eux (les propriétaires, ndlr). Il n’y a pas de nuls chez eux. Il y a ensuite eu une forme d’incompréhension qui s’est installée, il fallait que ce soit rapide et être très performant tout de suite. Et ça, quand il y a quinze nouveaux dans l’effectif, ça peut ne pas toujours marcher.
As-tu des regrets sur cette expérience qui a tourné court ?Aucun, vraiment. À la 7e journée, le club décide qu’un nouveau coach, en l’occurrence Damien Ott que je connais et que j’apprécie fortement, doit arriver et je le saisis comme une forme d’opportunité. Il n’y a pas eu d’efficacité, il n’y a pas eu la finalité. On avait fait un rapport sur l’ensemble de nos sept premiers matchs et on s’était aperçu que sur tous les indicateurs de performance qu’on avait fixés, nous étions presque au-dessus de l’AS Monaco qui était leader de Ligue 1 à ce moment-là. Je donne des exemples : nous étions à plus de 500 passes, plus de 60 % de possession, plus de 70 attaques par match, … Il y avait vraiment des indicateurs qu’on avait décelé et qui étaient positifs mais, en termes de XG (Expected Goal, désigne la probabilité qu'un tir soit converti en but, ndlr) et en termes de buts, Monaco en avait inscrit 14 et nous 5. C’est cela qui n’a pas fonctionné.
Tu dis que certains indicateurs étaient positifs, que certaines choses se mettaient en place, qu’il manquait « juste » une certaine efficacité, … tu ne regrettes vraiment pas qu’on ne t’ait pas laissé plus de temps ?
Non parce qu’au fil des semaines de la compétition, j’ai très vite compris là où j’étais en fait. Durant la préparation, il n’y a pas le gagner-perdre, il n’y pas les points, le classement, … On exprimait vraiment des choses intéressantes et tout le monde était calme, détendu. À la reprise de la compétition, j’ai constaté qu’il n’y avait pas de patience, qu’il fallait gagner tout de suite. À partir du moment où les points attendus n’étaient pas là, j’ai compris leur décision de se séparer de moi. Ce n’est pas le type de projet où l’on peut prendre le temps. Pourtant, mes deux montées de National 2 en National (avec Toulon en 2019, avec le GOAL FC en 2023) se sont faites sur du temps et une deuxième partie de saison forte. Et là, j’ai acté que ce n’était pas le même type de projet. Il n’y a pas de temps, il faut tout, tout de suite. Si tu l’as compris, tu n'as pas de regret. Les gens investissent fortement, et ça c’est très respectable. Mais l’immédiateté est devenue une traduction de l’investissement. Je peux prendre l’exemple de Maxime (D’Ornano) à Rouen (remercié ces derniers jours, ndlr). C’est Max quand même ! L’an dernier, il fait quart de finale de Coupe de France et une saison incroyable, on sait que c’est l’un des meilleurs coachs de National, qui produit un jeu attractif. Mais non, on n’attend pas …
Ce principe d’immédiateté, c’est donc quelque chose qui ne t’a pas été exposé au moment de ta signature et que tu as vraiment découvert pendant le début de saison ?
Que ce soit le groupe de joueurs, le staff et moi, nous étions tous sur du court terme, à savoir sur une année de contrat. À partir du moment où nous étions sur du court terme, je m’étais totalement mis dans la tête que nous étions sur une année de contrat et qu’à la fin de cette année, nous ferions un vrai bilan. J’ai aussi compris pourquoi on m’avait pris : je vais à Toulon, je monte en une année, je vais au GOAL FC, je monte en une année. J’avais donc bien saisi qu’ils voulaient monter en National en une année. Je m’étais mentalisé à ça : tu as une saison et si à la fin de cette saison tu ne montes pas, il faudra chercher un autre projet. Mais je ne m’étais pas conditionné au fait de monter dès le mois d’octobre. Dans mon processus, j’avais une forme de sérénité puisqu’avec Toulon, j’étais onzième au mois de janvier, à sept points d’Annecy (le leader à l’époque, ndlr). Avec le GOAL FC, au mois de mars, on perd trois matchs et nous sommes à cinq points de Bergerac. Pour moi, il ne fallait pas perdre le championnat jusqu’au mois d’avril. Et à ce moment-là, avec toute mon expérience et tout ce que nous avions travaillé avec le groupe plus le contexte du public, de l’attente et de l’engouement, tout cela allait favoriser la performance dans les derniers instants de la course. La seule chose que je n’avais pas compris au début et que j’ai compris quand la course a commencé, c’est qu’il fallait être en tête du début à la fin.
Dans la foulée de ton éviction de l’AS Cannes, tu as donc rebondi aussitôt au GOAL FC, club que tu connais parfaitement pour l’avoir entraîné pendant deux ans (2022-2024). Comment les choses se sont faites ?
Comme Cannes est très impatient et décide de changer, il y a le phénomène que d’autres clubs sont aussi un peu dans ce registre-là. On rentre alors dans un timing, dans lequel je me libère au mois d’octobre pendant que d’autres projets s’ouvrent, comme à Versailles (N1), Châteauroux (N1), GOAL FC (N2), … À ce moment-là, je rentre dans les potentiels coachs pouvant rejoindre ces projets. Mais se passe un événement rare dans ma vie personnelle : ma femme a quelques soucis de santé. C’est donc un élément qui a été pris en compte dans le choix. Si je suis très sincère, Versailles ne m’a pas donné suite. Mais pour Châteauroux, j’ai décliné car une problématique personnelle a fait que le GOAL FC a été le meilleur compromis pour moi. Parce que j’ai aussi un vécu émotionnel avec ce club et que j’ai une relation humaine avec mon président Jocelyn Fontanel, qui lui est à l’opposé des dirigeants qui vivent dans l’immédiateté, il est davantage dans la compréhension, l’écoute, la patience. Je connais le contexte, je connais le staff, je connais une grande partie des joueurs, et je ne suis pas loin de ma famille. Il y a certes un début de saison difficile du GOAL FC et des problèmes administratifs qui viennent se greffer, avec la perte de points et une dernière place qui se profile. Mais là, on rentre dans l’humain. Le président m’a appelé pour me demander mon aide. Je n’ai pas été insensible, humainement, à venir aider un président et un club que j’aime bien. Il faut savoir que Jocelyn Fontanel a également financé mon BEPF. Tous ces éléments font que j’ai répondu favorablement à ce projet-là.
Un retour en N2 compliqué, un premier match forfait, l’affaire des licences, … tu as pris tout ça comme un défi à relever ?
Il y avait soit le défi d’être dernier de National avec Châteauroux, soit ce projet chez le GOAL FC où, émotionnellement, il y a des choses qui sont fortes. On a vécu une montée historique en National, une saison où, si on prend celle en cours, on ne termine pas relégable et on se maintient (en 2023-2024, le club a terminé 14e soit parmi les six relégables. Il n’y a que deux relégations cette saison, ndlr). Je trouve que le club a aussi vécu une forme d’injustice sportive, puisqu’il aurait logiquement dû être repêché pour former un championnat à 18 (contre 17 équipes actuellement). Il ne l’a pas été pour des raisons administratives. Et il s’avère que maintenant, nous allons avoir des points perdus. Mais l’humain a pris le dessus au moment de mon choix, sans se poser la question de la carrière. On va se maintenir, et on envisagera la suite après.
Comment fait-on pour switcher aussi rapidement d’un projet à un autre ?
C’est le métier (rires). Il faut être capable de s’investir totalement dans un projet. Concernant mon expérience à Cannes, ce n’est pas moi qui ai voulu partir puisque ça s’est arrêté. Alors il faut savoir se reposer très vite et avoir l’envie. Personnellement, je viens de loin et c’est un grand privilège de se retrouver autour d’un groupe, de partager des choses et d’explorer les convictions de jeu que je peux avoir. Donc ce n'est pas très dur de switcher, c’est assez facile même. En revenant au GOAL FC, il y avait aussi un petit challenge sympa puisque le premier match était contre Bergerac (3-1) que j’ai entraîné pendant cinq ans (2013-2018), le second contre Toulon (09/11) avec qui j’ai fait une montée en National puis le troisième contre Cannes (23/11) où j’ai pris du plaisir pendant plusieurs semaines. Mais il y a surtout l’envie, dans cette année difficile de transition, de sauver un club qui mérite de rester en National 2. Je suis habité par ça, et je serai très fier et très heureux à la fin de la saison de voir mon président et tous les bénévoles et de leur dire qu’ils sont encore en N2. Et ensuite, affaire à suivre.
Ton retour a bien débuté en tout cas, avec une victoire le week-end dernier contre Bergerac (3-1). Dans quel état d’esprit as-tu récupéré le groupe ?
J’ai trouvé un groupe très à l’écoute. Je connais quelques-uns des joueurs, comme Enzo Réale, Loïc Dufau, Malick Assef, … qui étaient là l’année dernière en N1. Le tout, accompagné de jeunes joueurs. J’ai retrouvé un club qui était en attente de propositions, d’énergie, d’enthousiasme. Et moi, je suis débordant d’énergie et d’enthousiasme. C’est ma passion, je suis très privilégié de faire ce métier. On a mis beaucoup d’énergie dans ce premier match face à Bergerac. On n’a pas été incroyable dans ce qu’on a proposé, mais nous sommes revenus à des choses simples. Quatre jours de préparation avec le GOAL FC auront suffi à inscrire trois buts quand on cherchait à mettre en place un football fou et prolifique à Cannes … C’est un peu le paradoxe, les incertitudes et la complexité de ce merveilleux sport (sourire).
Il y a un joueur sur lequel tu peux particulièrement compter en la personne de Florian Raspentino, qui t’a suivi à Cannes avant de revenir dans tes valises au GOAL FC. Que représente-t-il pour toi ?
Florian, c’est avant tout une belle rencontre humaine. L’année de la montée, il nous a beaucoup aidé puisqu’il était le finisseur. Durant notre exercice en N1, il a encore été le meilleur buteur de notre équipe, avec une saison aux débuts difficiles. Durant la première partie, il avait été remis en question sur beaucoup de points, avec des flashs un peu complexes comme sa panenka manquée lors d’une fin de match à Avranches. Ses difficultés ont renforcé notre relation sur le plan humain. Puis quand je suis parti à Cannes, on a beaucoup échangé et lui avait l’envie de continuer de travailler avec moi et moi avec lui. Donc il m’a rejoint à Cannes. Ça ne s’est pas très bien passé, il a laissé sa famille sur Lyon et n’a pas non plus voulu continuer son aventure lors de mon départ. Je remercie Cannes, car le club aurait pu l’empêcher de partir et ça n’a pas été le cas. Il a retrouvé sa famille, un club qu’il connaît bien et un coach avec qui il est proche, ça fait du bien.
On a parlé des intérêts flatteurs de Châteauroux, Versailles et Dijon, trois clubs de National, à ton égard. Ça donne forcément envie de retrouver au moins cet étage-là j’imagine …
Avec de l’humilité, je pense que j’aurais pu et j’aurais dû ne pas quitter la N1. Ce sont des parcours et des choix qui sont faits. L’objectif est de retrouver ce championnat, c’est dans le processus d’évolution avec l’obtention du BEPF. J’ai un profil atypique, qui arrive de très loin. Donc l’objectif, c’est d’essayer d’aller au bout du rêve et de pourquoi pas réussir un jour ce que réalise Christophe Pélissier, qui a lui aussi un profil très atypique, avec Auxerre en Ligue 1. L’idée est de trouver un projet sur lequel on peut évoluer. Là, il y a ce projet GOAL FC sur huit mois, qui sera peut-être un projet dans lequel je m’inscrirais sur la suite si on peut de nouveau parler d’accession en N1. Ou ce sera peut-être chez un autre club de N1, car je pense avoir le potentiel pour y aller. En tout cas, c’est vrai qu’après la saison avec GOAL, je ne suis pas resté insensible à cette division. Pour revenir sur l’intérêt de Dijon cet été, il y avait un vrai repreneur qui a pris un directeur général qui a été mon joueur à Bergerac, à savoir Paul, le fils du président Christophe Fauvel. Il y avait des connexions. Je reconnais que là, c’est un vrai regret par rapport à mon engagement à Cannes et la manière dont ça s’est terminé. C’est sûr que si tu me fais le film et que tu me demandes de revenir en arrière (sourire) … Mais ça ne se passe pas comme ça. Il y a un parcours, il y a un chemin et je pense avoir les qualités et les compétences aujourd’hui pour pouvoir m’engager dans un projet en National à l’avenir. Je terminerai sur une phrase que me dit souvent Jacky Bonnevay : « Fabien, l’important, c’est le travail ! » Il y a tellement de coachs qui se retrouvent sans banc, même en N2 … Je me répète, mais c’est un vrai privilège de se retrouver au milieu d’un groupe.
Retrouvez l'actualité du monde du football en France et dans le monde sur notre site avec nos reporters au coeur des clubs.
Live
Live